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  • Dalle mura...aux remparts de Pistoia

     

    Poèmes extraits de Le mura di Pistoia, de Piero Bigongiari

    Compagnons de traduction : Philippe Jaccottet - André Ughetto             

     

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    Miskolc

      

    Il sangue non marcirà la fede,

    crede chi crede che il mondo è più grande

    di chi lo vuole fare somigliare

    nemmeno più al dolore, di chi vuole

    che le ore del tempo vivano senza luce,

    quasi di un sole, nel carcere

    e nello sguardo della morte, nero,

    per chi va nei suoi spazi che un confine

    non può dire finiti.

     

    Ma nemmeno infiniti... Chi piange

    attorno alla vostra morte, chi ha forza

    ancore di disperare ? I fiumi eterni

    che percorrono l’Europa sotto le nebbie e il sole

    rampano verso un mare che è uguale

    alla salita della vostra morte :

    dura salita, ma in cima

    l’infinito non ha confini nemmeno umani.

    Già uno muore se esce dalla porta

    della stanza dove ha udito la condanna.

     

    Brumosi opifici rompono il sole del Nord,

    il mare rosicchia le coste tirrene,

    io di quassù l’odo nel canto allarmato del passero,

    le asine zoccalano lente nei borghi turriti

    tra le bufere e gli azzurri da cannocchiale astronomico,

    sotto, i boschi s’infogliano, s’infiammano, s’inceneriscono,

    ma tutto è troppo lento per la vérità indivisa

    che gli uomini spezzano in aprole, partiscono in ostie.

     

    Miskolc

     

     

    Le sang ne fera pas pourrir la foi,

    chacun peut croire à son gré que le monde est plus grand

    que ceux qui ne veulent pas même

    le laisser ressembler à la douleur, que ceux qui veulent

    que les heures du temps vivent sans lumière,

    comme d’un soleil, dans la prison

    et dans le regard  de la mort, noir,

    pour qui va dans ses espaces qu’une frontière

    ne permet pas de dire finis.

     

    Non pas cependant infinis… Qui pleure

    autour de votre mort, qui encore a la force

    de désespérer ? Les fleuves éternels

    qui traversent l’Europe sous les brouillards et le soleil

    rampent vers une mer qui est semblable

    à la montée de votre mort :

    dure montée, mais au sommet

    l’infini n’a plus de frontières, même pas humaines.

    On meurt à peine a-t-on passé la porte

    De la salle où on a entendu le verdict.

     

    De brumeuses usines offusquent le soleil du Nord,

    la mer ronge les côtes tyrrhéniennes,

    moi d’ici je l’entends par le moineau dont le chant s’alarme,

    les ânesses font claquer lentement leurs sabots

    dans les bourgades ceinturées de tours

    entre les ciels d’orage et d’azur calme pour lunette astronomique,

    en bas les bois s’enfeuillent, s’enflamment, tombent en cendres,

    mais tout est trop lent pour la vérité indivise

    que les hommes brisent en mots, fractionnent en hosties.

     

     

    Traduction André Ughetto 

     

     

     

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    In una sera di vento e di luna lundo il Mugnone

     

     

    Agita la tua tenebra stasera,

    grande, più grande nel tuo vuoto, luna,

    questo vento argentino che non coglie,

    oltre le foglie lapidate a bruno

    nei giardini stormenti, altro dolore :

    lustra i crateri dei vulcani spenti;

    qui il silenzio impietrito delle soglie.           caballo y noche 003.jpg

     

    Come al bimbo donò un’addolorata

    Allegria la muraglia della Cina,

    queste sono le cose, qui è l’evento

    che il dolore allegrato ora ravvisa,

    messo in forse dal vento come vela

    che ne porto hanno alato per salpare.

     

     

    Par un soir de vent et de lune au bord du Mugnone

     

     

    Agitant ce soir ton obscurité,

    lune immense et grandie encore dans ton vide,

    le vent argenté ne recueille

    d’autre souffrance que celle des feuilles

    striées de noir dans les jardins bruissants :

    il lustre les cratères des volcans éteints,

    le silence ici pétrifié des seuils.

     

    De même qu’à l’enfant la muraille de Chine

    fit ce cadeau d’une allégresse douloureuse,

    telles sont les choses, voici l’occasion

    que l’allègre douleur maintenant reconnaît,

    querellée par le vent comme une voile

    qu’on a hissée au port pour appareiller.

     

     

    Traduction André Ughetto 

     

     

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  • Quand parole et fruit se font rubis - Angèle Paoli

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    Le vent se lève   sur la vague   lave brûlante    chaleur de plomb    la mer lie de vin soulève sa houle jusqu’aux rives oubliées de Naxos    c’est là qu’ombrageuse   j’aborde aux noces folles de Bacchos    couchée à l’abri de la grotte marine    une ménade dort   lascive blancheur drapée nue de l’ivresse douce des sommeils de la chair  volupté tendre offerte à mes regards absents

     

    Une aiguière est levée en l’honneur des amours de Bacchos   son breuvage tremblé  bruit  clarté cristalline du gemme   les rires aux râles et aux ruts se mêlent corps vibrants pourpres d'incandescence sons de crotales de cymbales de flûtes folie canaille des bacchantes des silènes des boucs agités de grelots les faunes réjouis éructent une haleine fétide l’incarnat de leur bouche s'exalte des vapeurs hantées aux rictus des démons

     

    Une panthère  ocelles d’or  veille sur l’ivresse confuse des dieux  Hiératiquement

     

    De l’enchevêtrement  grappes de chairs avides de liesses éternelles  surgit dans l'incarnat pâlissant du visage  le souvenir encore vif de Bacchos  enfant rondeurs rubicondes  promises aux excès chaleureux de la vigne   odeur de feu qui rôde depuis l’aube autour du roc battu par la vague brûlante  je le vois qui offre son front torsadé pampres et vrilles et me tend bienveillant la coupe translucide calice de fruits mûrs qui scellera la liqueur de nos vœux 

     

    Je n’ai d’yeux désormais que pour les ciselures tendues à nos lèvres luisantes des rubis de la vigne   céderai-je lassée des pleurs versés pour toi Thésée aux enivrements promis par l'élixir divin  bouche entr’ouverte sur le désir   Bacchos déjà ferme les yeux sur l'ivresse prochaine  l'or du vin roule dans nos veines sang mêlé au sang immortel de la treille  ensemble nous rythmons nos sens enchevêtrés au thyrse de l'amour

     

    La mer lie de vin se retire enroulant de ses plis le tumulte des dieux

     

    L'île dérive ivre de ses sourdes détresses 

     

    L’antique bacchanale se noie dans ses brumes de feu.

     

     

     

     Angèle Paoli                   

     

     

     

     

     

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    • Le poème Libations de sang est paru dans la revue Siècle 21 (n°14 - Printemps-Été 2009, dossier "Le Vin", p.149)
    • voir aussi la revue Terres de femmes, pages consacrées à l'auteur.

     

     

  • Crossed Translations

    TRADUCTIONS CROISÉES               Morelle Smith / Dominique Sorrente 

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    Chester Morning Orchestra

                  

          

    A fringe of birds, high up on a beech tree,

    are pegging the leaves to the sky.

    The yawning sun, just risen,

    slips curtains of light between

    ceders and swarthy yew trees.

     

    The yellow beech leaves quiver.

    One jackdaw flies off.

    One rattles its wings,

    One hops to another branch.

     

    One yellow leaf falls, circles,

    spins down to earth.

    Hunched birds, waiting.

      

    The sun clambers through branches.

    Deft climber. Jackdaws shuffle their feet,

    shake the night from their wings.

    Then through the streets of pink stone and red brick,

    swings the sunlight.

    It riffles the spires of cathedral and church,

    like the strings of an instrument,

    tuning the morning.

    The jackdaws fly off, into song.

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    Chester, l’orchestre du matin

     

     

    Une rangée d’oiseaux perchés tout en haut d’un hêtre,

    tels des épingles à linge

    accrochent les feuilles au ciel.

    Le soleil qui vient tout juste de se lever

    baîlle et glisse des rideaux de lumière

    entre les cèdres et les ifs sombres.

      

    Les feuilles jaunes des hêtres tressaillent.

    Un choucas s’envole.

    Un second ébroue ses ailes.

    Un troisième sautille jusqu’à une autre branche. 

      

    Une feuille jaune dessine des cercles en tombant,

    tournoie jusqu’au sol.

    Des oiseaux accroupis attendent leur tour.

      

    Le soleil se hisse à travers les branches,

    en grimpeur adroit.

    Des choucas traînent leurs pattes,

    secouent la nuit de dessus leurs ailes.

    Puis la lumière du soleil s’élance

    dans les rues, pierre rose, briques rouges.

    Elle parcourt les flèches des cathédrales et des églises

    comme les cordes d’un instrument,

    accordant le matin.

    Les choucas s’envolent dans leur chant.

     

     

     

    Mountain Road

     

     

    High up on the mountain road – or so I call it -

    its elevation on the map is one brown wiggly contour line -

    I see the reed-fringed water heading out to sea.

    Cicadas sizzle in the clumps of trees.

    Now and then a car goes past but mostly

    its just me and vineyards

    and a flat expanse in front of me,

    shimmering with heat.

    The landscape seems content

    to have the sky and dips of valley to itself.

    The grapes are dusty sea-blue,

    tightly bunched together.

     

    I pull four quinces from a tree

    and each one comes away with one small leaf.

    Yellow splashes bulge around their sides.

    I put them in my cloth bag, 

    feel their hard round shapes

    against my back as I ride home.mountain road.jpg

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    La route de montagne

      

    Là-haut, sur la route de montagne - c’est ainsi que je l’appelle -,

    son altitude sur la carte est figurée par une ligne marron tortueuse -

    Je vois la rivière bordée de roseaux qui s’en va

    se jeter dans la mer.

    Les cigales grésillent dans les bosquets d’arbres.

    De temps en temps, une voiture passe mais la plupart du temps,

    il n’y a que moi et les vignes

    et une étendue plate sous mes yeux qui miroite de chaleur.

    Le paysage semble satisfait

    d’avoir le ciel et le creux des vallées pour lui tout seul.

    Les raisins en grapppes compactes

    sont d’un bleu marine poussiéreux.

     

    Je cueille quatre coings sur un arbre

    et chacun se détache avec une petite feuille.

    Des taches jaunes forment saillie sur leur côté.

    Je les mets dans mon sac en toile,

    je serre leurs formes rondes et dures

    contre mon dos sur le chemin du retour en vélo.

     

     

    Traduction française Dominique Sorrente  

     

     

     

     

    * * * 

     

    Au nom de Sainte - Victoire

     

    Autrefois, trop longtemps,  j’habitais de saintes défaites,

    des gestes de beaux perdants, des promesses en écharpe

    où s’engloutir.

    Devant ma fenêtre, j’assistais aux défilés des victoires sans pitié,

    aux sacres impurs et fugitifs, serments d’imperfection drapée

    des gouverneurs portant médailles.

    J’amassais les refus aux formules mauves,

    me blessais d’empêchements, comme autant

    d’entailles anonymes sur la peau.

     

    Une fois, tout une nuit, j’ai guetté le loup blessé du rêve.

     

    Au petit matin, apparut une falaise primordiale inachevée.

     

    À présent, j’écris à l’interstice,

    entre le bruit du ciel et les occupations d’insectes.

     

    Mon rire d’aube accompagne la hâte du marcheur

    et le distrait de parfums de lenteurs,

    sans même qu’il le remarque.

     

    Je sais que la masse blanche peut enchanter un papillon.

     

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    In the name of  St. Victoire

     

    For too long in the past I lived with defeated saints

    with the gestures of beautiful losers, broken promises

    marking the place of their demise.

    In front of my window I watched the relentless stream of the successful,

    the rituals questionable, fleeting, the bright medals of the governers,

    their flawed pledges.

    I piled up the standard letters of rejection

    but each rebuffal left its mark on me like so many

    pinpricks on the skin.

     

    One time I was awake all night, on the lookout

    for the wounded wolf of dream.

     

    Then in the early light of dawn,  this ancient cliff appeared,

    rising  out of sight.

     

    And now I write in the small space

    between the sounds of sky and busy insects.

     

    My dawn laughter accompanies the fast-paced walker,

    perfumes distract him, slow him down

    without him even noticing.

     

    I know that the massive white rock can delight a butterfly.

     

     

                                                      *

     

     

    Balises pour un marcheur à distance

     

     

    On peut aimer ceux qui conquièrent et qui plantent leur pas

    sur le sommet. Ils vivent de prédications au goût de fièvre.

    Ils se dépensent en comptant. Ils franchissent.

     

    Marcher à distance est un autre exercice. 

    Comme on cherche son double, de l’autre côté de soi-même.

    Le regard scrute à contre-feux, les formes s’essaient à des poses

    comme des femmes à leur miroir. 

    Sur le versant d’en face, il est écrit :

    « prière  de ne pas intervenir ».

     

    C’est alors que tout peut commencer.

     

    Entre la montagne et vous, il y a plus qu’une saison d’ombre portée.

    D’ici, vous la voyez,  fausse immobile qui n’a de cesse.

    Vous comprenez un peu de son initiation par les troubles,

    par les éclats et comment on se livre

    à la merci  d’un paysage.

     

    Elle contient les eaux du beau vertige et son repos

    qui vous ignore à taille d’homme.

     

    Non vraiment, n’allez pas la tenter de vos pitiés

    quand votre vie est un animal pauvre…

    Elle ne demande pas qu’on y trouve refuge.

     

    Mais dans ses plis, s’il y a une ombre mise à mal,

    c’est à vos yeux qu’elle  accordera

    de l’effacer d’un nuage.

     

    Comme l’offrande d’un été retrouvé.

     

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    Beacons for the Long Distance Hiker

     

    One can love those who conquer and who place their foot

    On the summit. They live by fire-licked sermons.

    They do not count the effort that they make. They win through.

     

    Long distance hiking is quite another practice.

    It’s like looking for your double on the other side of yourself.

    Peering downwind of the fire,

    Shapes strike poses

    Like women in front of a mirror.

    On the mountain’s other face is written

    “keep your distance”

     

    At that point anything can happen.

     

    Between you and the mountain there is more than one shadowy surface.

    From here, it looks as though it never ends, and its stillness is deceptive.

    You have some knowledge  of its lower slopes

    the rocky areas, the sudden brightness,

    and how one abandons oneself

    to the mercy of a landscape.

     

    Its fresh waters are inebriating and its deep peace

    Takes no notice of something as insignificant as man.

     

    So do not bring your woes to this place,

    When your life is such a wretched creature…

    The mountain doesn’t ask you to take refuge here.

     

    But if among its folds, there is just one misshapen shadow

     

    You will be granted this – the chance to make it disappear,

     

    Like the gift of a rediscovered summer.

     

     

     

                                           Translated in english by MORELLE SMITH