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Les Mots de l'angle ou le Scriptorium au J1

 

 

 

Le choixDuBonAngle.jpg

"Marseille 2013 a inventé un lieu d’exposition, le hangar du J1, que la nature éphémère, il deviendra semble-t-il un casino, rend d’ores et déjà mythique. Le Scriptorium aurait voulu l’investir, donner de la voix, donner Les Mots de l’angle, en écho au Poème de l’angle de Le Corbusier, dont l’exposition achèvera la vie culturelle du lieu. Les contraintes des politiques et du managering culturels ne l’ont pas permis. Ce sont donc des individus anonymes, poètes sans doute, qui feront houle et casine (joyeux bordel, si l’on peut se permettre)le 21 janvier au J1 à partir de 15h. Ils y salueront , avec tous ceux qui voudront bien partager ce moment impromptu, l’arrivée du Bonhomme Hiver.

C’est donc en toute discrétion administrative que vous êtes conviés. Nous serons ensemble là-bas comme tout un chacun, allant, venant, donnant de la voix et de l’oreille, vibrant de poésie non officielle… Ah, Bonne Mère ! ".

Voilà ce que nous écrivions, à quelques mots près, en invitation-préambule à notre intrusion poétique, anonyme, furtive, ouverte et déclamatoire à la fois, car ce fut tout à fait joyeusement, et la joie appelle l'exclamation heureuse, qu'une belle trentaine de Scripteurs et amis du Scriptorium de Marseille firent caravane, donnèrent de la voix, prêtèrent l'oreille, gesticulèrent élégamment, follement, la Cathédrale de la Major côté terre, un ferry-boat pour l'Algérie côté partance...

Sous leurs casquettes et chapeaux, porteurs d'objets évoquant l'angle, en signes de reconnaissance et ralliement, Dominique Sorrente, Olivier Bastide, Colette Papilleau, Sylviane Werner, André Ughetto, Patrick Druinot, Henri Tramoy, Laurence Messina et d'autres lecteurs de circonstance lirent, dirent parfois, leurs poèmes,  des poèmes reçus pour l'occasion comme ceux d'Angèle Paoli, des poèmes de poètes en Pléiade, René Char, Henri Michaux... Quelques rimes, pas de rimes, des textes courts et des plus longs, un joli mélange hommage à la beauté, à la poésie avec pour seule prétention celle du plaisir des mots.

Comme nous le pensions, nous fûmes guettés, repérés, photographiés ; le régisseur du lieu se présenta à nous pour dire qu'il "n'avait rien contre ce que nous faisions mais qu'il nous demandait de ne pas gêner les accès". Nous fûmes flattés de tant d'attention, de notre potentielle faculté, comme la célèbre sardine, à boucher quelque passage...

Plus sérieusement, finissons en poésie avec quelques-uns des textes lus au J1 ce samedi 21 décembre 2013...

 

                                                                                               Olivier Bastide

 

 

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PETIT FLORILÈGE DES POÈMES ANGULAIRES LUS AU HANGAR J1 

 

 

                     Scruchjettu

 

 

 

                                      D’un point à l’autre

                                         rien de commun

                                     quand l’un dit blanc

                                          l’autre rit noir

 

 

                                      en pointillés se glissent

                                      le long des carreaux

                                      se croisent à l’angle

                                      ôtent chapeau

                                      se dévisagent mine de rien

                                      d’un drôle d’air

                                      sans queue ni fin

 

 

                                       à l’angle de quoi

                                      on ne sait pas

                                      rond de fumée cercle fermé

                                      sorti tout droit

                                      d’un trou paumé

 

 

                                      moi angle droit

                                      je connais pas

                                      sauf l’isocèle du désir

                                      partie à trois

                                      carrée ou pas

 

                                      géométrie et tra la la

 

 

Angèle Paoli

 

 

UN FERRY À L'APÉRITIF.JPG

 

 

 

 

 

Voyez cet instrument, si léger et si frêle,

Qui dévore l’espace, emportant sur son aile

Un pesant cavalier aux poudreux vêtements.

Quel port majestueux, quels jolis mouvements !

 

Ne le saluez pas, car sa main n’est pas libre,

Et s’il faisait un geste, il perdrait l’équilibre.

 

 

Laissez le donc courir et faire son chemin :

Il va jusqu’à Pékin et reviendra demain !

A-t-on marché jamais en telle diligence

Et combien dans cet art faut-il d’intelligence !

 

Désormais on devra, pour être bachelier,

Sur un vélocipède, être bon cavalier :

Car pour le diriger, il faut savoir en maître

Le calcul, la physique et l’art du géomètre.

 

Oui, porter son courrier quand s’offre une hauteur,

C’est expérimenter la loi de pesanteur ;

Frapper contre les murs c’est voir que la tangente

Peut, en vous déchirant, se changer en sécante ;

 

Etre précipité dans un fossé profond

Et se casser le bras, c’est éprouver à fond

Quelles lois suit un corps qui tombe dans l’espace.

Gloire au vélocipède et bravo quand il passe.

 

 

 

 

Frédéric Boudes vers 1895

 

J1 A TRAVERS LE CORBU photo DS.JPG

 

Bataille à Hastings

 

Mon poème prend pour support l'angle des choses, le biais des  incidences, l'abord des anarchies. Il suffit d'un regard ému sur un visage,  l'oreille surprise par ton souffle, une clarinette remerciant Satan. Il suffit du grand éclat de rire, éclat de vent, éclair solide et enchanteur.

Si nous sommes vaste boucan, c'est par souci de ne pas mourir. C'est par souci de ne pas mourir que je vous parle, que j'écoute les flots, le bastingage, que j'engage bataille à Hastings.

 

En Bref

 Là-bas, il y a toi. Toi que je ne suis pas, qui penses peut-être qu'ici il y a moi. C'est une question sans douleur aucune  ; se la poser précise une certaine conscience des choses, une lucidité bienvenue mais non indispensable.

Parfois, je choisis le repos. Je reste pelotonné dans l'angle obtus et j'y suis bien. Ça ne dure pas ; je pourrais mourir.

 

Ouvrage déposé dans l'angle

Il semble que l'angle symbolise très précisément notre situation ; je m'explique. En premier lieu, il se considère dans deux sens, celui de son ouverture ou de  sa fermeture. En second lieu, il est le point précis de la rencontre et l'indice de la divergence des lignes supposées.

À la recherche de la base et du sommet, le poète avait déjà dit le caractère crucial de la géométrie. J'en suis le simple disciple, un ouvrier des mots et du constat.

 

Précision

Depuis le lever, s'entrevoit, se distingue, s'interpelle tout depuis nous, nous défini comme tout un chacun disposé aléatoirement de place en place et doué de mouvement. C'est dire la presque impensable diversité de pensée, diversité d'être, dépendant pour une bonne part de notre siège, siège imposant un point de vue, point de vue décidant de l'Angle.

 

                                                          

OLIVIER BASTIDE

 

 

N ROUZET au J1.jpg

                                                        à Nadia et Ossip Mandelstam

 

 

 

Il y a cet instant

 

où le poème se tient

 

sur tes lèvres serrées

 

l’instant sur ma bouche

 

où il se lit.

 

 

 

Et entre tous ces instants

 

il n’y a qu’un seul instant.

 

 

 

Il y a l’instant où tu dictes ces paroles

 

sur tes lèvres serrées

 

à ta compagne

 

la jeune mendiante

 

 

 

qu’elle note sur ces feuilles

 

qu’elle brûlera

 

qu’elle enfantera à nouveau

 

qu’elle enterrera

 

 

 

lorsqu’elle les aura gravées

 

dans sa mémoire

 

délivrées de la perversité de tous les pouvoirs

 

 

 

pour les transmettre à d’autres

 

qui les enfanteront à leur tour

 

et deviendront

 

des hommes

 

des femmes-livres.

 

 

 

Nicolas Rouzet

 

 

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LE CORBUZIERON

 

 

Un héron se tient droit 

Les deux pattes plongées 

Dans le plan d’eau du lac.

 

S’il a mis des lunettes 

C’est qu’au bout de son bec,

Un crayon va tracer.

 

Ce n’est point un harpon

Attentif au poisson. 

 

Le crayon n’attend que le papier.

Du papier bien réglé pour tracer

Au cordeau des dessins de maisons. 

 

Des dessins de maisons ?

Non !

 

Des projets pour les nids de demain.

 

 

                                                            Gérard Boudes 20 décembre 2013

 

 

H TRAMOY au J1.jpg

 

Sorrente au ciné.jpg

                         

                  PETITE GÉODÉSIE PORTATIVE

 

 

J’en ai connu de ces figures

 

angle plein, angle plat, angle droit, angle nul,

 

angle rentrant, angle saillant,

 

angle obtus comme un argument de négociation

 

angle aigu comme une crise de nerfs

 

angle complémentaire comme font les deux tourtereaux

 

angle supplémentaire, comme le lit d’appoint dans la chambre d’hôtel

 

angles opposés par le sommet, et bonjour les calculs d’ambiance sur

 

le pic de l’Annapurna

 

angles adjacents comme les rues où le passant me perd dans ses explications

 

angles alternes externes, qui finissent leur gym matinal  du samedi matin,

 

angles alternes internes, les deux coquins qui s’acoquinent dans les draps

 

 

 

angles d’incidence, parce que le but a été marqué mais que l’arbitre

 

a levé le drapeau du hors-jeu,

 

angles énigmatiques des yeux encore collés dans le sommeil,

 

passage de dioptre, entraînant réfaction de la lumière de la lampe de chevet

 

parallaxe induit par le mouvement de mon regard sur ton corps qui se déshabille

 

de façon effrontée,

 

angles d’attaque pour renouveler les preuves de l’existence du Bonhomme Hiver,

 

assiette du train avant, dans la géométrie des trains roulants indispensable

 

au mode d’emploi de nos ébats amoureux,

 

angle mort où se cache le véhicule du diable dans le regard du conducteur,

 

 

 

j’en ai connu de ces figures planes,

 

de ces portions de plan délimitées par deux droites sécantes, 

 

de ces polygones de sustentation qui est l’autre nom de la zone où nos pieds

 

s’accrochent maladroits à un bout de terre,

 

de ces angles dièdres,

 

orientés en géométrie du plan qu’Euclide créa un matin où il n’y avait aucune

 

série télé digne de ce nom pour se rincer le fond de l’œil,

 

 

 

j’en ai connu de ces unités

 

le radiant, le quadrant et ses subdivisions le degré, ses sous-unités et le grade 

 

et de ces lettres grecques qu’on baptisait sur leur livret d’état-civil

 

géométrique : alpha béta gamma…et petit epsilon…et oméga inaccessible…

 

 

 

Et au bout du compte de tous ces tracés de l’équerre au compas, et retour

 

au fil à plomb,

 

la vraie, la seule question du poète pourrait bien être :

 

oserai-je étendre la notion d'angle

 

 au cadre des espaces vectoriels préhibertiens

 

ou à celui des variétés riemanniennes ?  

 

 

 

La réponse, comme souvent en Angleterre et en ailleurs, la réponse,

 

oh mon ami, la réponse irradiante n’a pas fini de souffler dans le vent.

 

 

 

                                                  Dominique SORRENTE

 

                    

 

 

 

EMBARQUEMENT le groupe.jpg

 

Géométrie leçon 1

 

                                      pour saluer l'ingouvernable bissectrice

 

 

Qu'est-ce qu'un cercle?                                

 

Un carré dont la vie a bien tourné.

 

 

 

Qu’est-ce qu’un carré ?                                                                                                           

 

Un cercle

 

qui fête le retour des angles.

 

 

 

Qu’est-ce qu’un triangle ?                                                                                                        

 

Une ligne droite                                                                                                                      

 

qui a perdu son chemin                                                                                                            

 

 et a finalement réussi                                                                                                                

 

 à rentrer à la maison.

 

 

 

Qu’est-ce qu’un point ?                                                                                                             

 

Un point, c’est tout.

 

 

 

                                             Dominique Sorrente                                                                                                   

 

 (Poèmes à faire bouger les lignes)

 

 

Adieu le J1.jpg

 

 

Note du webmaster: Les photos publiées dans cette note ont été réalisées par Daniel Vincent, Gratien Messina, Olivier Bastide et Dominique Sorrente qui en conservent les droits.

 

 

 

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