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13 mars 2013

En hommage à l'ami disparu

MARTIAL TEBOUL en son chant déraisonnable

 

« Je veux libérer l’horizon,
le traverser même,
pour savoir
au-delà de sa trace
ce qu’il convient de redécouvrir sans cesse,
ce qu’il convient d’oublier toujours.

 

L’horizon, j’en fais ma maison.
Le sommet, je ne l’atteins pas.
Les profondeurs, au-delà des mers, conduisent ma raison.

 

L’horizon,
je le laisse simplement s’implanter
comme un jardin possible au-delà du temps. »

 

              (Le chant déraisonnable, 2012)

 

photo-teboul_173x200.jpgMartial Teboul nous a quittés à l'été 2012. Habitant singulier du Scriptorium des premières années, il avait sa manière bien à lui  de dicter la parole dans son emportement, avec ses phrasés multipliés, sa quête impétueuse d’une « beauté qui gouverne dans les angles du monde ». Lors des rencontres poétiques auxquelles il participait, il notait avec son encre résolue des successions de mots, à la façon de listes, attendant le moment fortuit pour que « l’hiver étincelle ». Il croyait peu à la possibilité du livre (il nous en laisse un pourtant, ce Chant déraisonnable, paru quelques mois avant sa disparition), convoquant plutôt dans ses versets la laisse des séquences fuyantes, la part d’inaccessible à traquer encore et encore. Il disait : « Il me faut un autre  chemin pour retrouver au-delà de moi-même/ dans ma main, cette poussière devenue boue dont je fais des stèles… ». Complètement investi dans son activité de médecin gynécologue, Martial Teboul témoignait dans sa relation à la poésie de cette part brisée, volontiers rageante, parfois hautaine et en même temps chaleureuse, démunie,  insatiable et toujours pèlerine qui nous fait étrangers de passage. « Tout dire, ne serait-ce qu’une fois, lâcher les fauves ! » : telle était la vigueur inscrite. Martial Teboul revendiquait cette brûlure de vivre quand « nous agrippe l’indicible ». Il penchait du côté de l’excès comme on tente de faire advenir une joie véhémente sur un ciel décousu, tandis que « lentement glisse l’escalier du temps ».

 

« Ce matin un soleil fou fouette le jour ».  Martial Teboul nous laisse des sonorités de gongs et le goût de faire allégeance aux parfums. « Dans les mondes impulsifs du hasard, le ciel est à sa place » avait-il écrit.


intervalle terre._salle tempo_nov2010 jpg.jpg

*

« Je me sens appartenir à ce qui est refusé »

 

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 Lettre au Scriptorium

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08 mars 2013

SANS ARMES NI BAGAGES, EN FÉVRIER d’ADIEU ET DE MIMOSA

bonne mère.jpg

 

ll y aurait les scripteurs de l’intervalle et ceux de la diaspora. Les premiers sont les présents qui bravent la rude pente à gravir vers la statue en or de la Vierge, et font escale. Les seconds vous rappellent que le poème nous tient lieu à lui seul. Les uns et les autres forment un ensemble à moitié visible, à moitié transparent convoqué par la rencontre des écritures. Un « intervalle », au sens où nous l’entendons, est cet espace de fortune où se mêlent les écrits des familiers du moment et ceux  des amis hors les murs pour composer un curieux geste poétique à plusieurs voix, autour de la table du jour.

 

C’est aussi dire que nous sommes tous porteurs à notre manière de ce « chant déraisonnable » que nous a laissé Martial Teboul, disparu l’été 2012 et auquel nous avons rendu hommage en ce jour de février finissant. 

La rencontre Sans armes ni bagages pouvait alors vivre ses  vies parallèles entre les poèmes des présents et ceux des amis hors les murs qui nous avaient fait signe. 

Sans armes ni bagages, comme on dit nu peut-être, allégé, à la façon de cet « oiseau avare » de Michel Leiris.  À la recherche de la part manquante et native appelée par Lysey. Ou bien dans la facétie d’un sketch créé par Jean-Marc Bonnel entre un gendarme et un touriste. 

L’intervalle avait été préfacé d’un atelier d’écriture à Aix-en-Provence, en collaboration avec l’association Histoire d’écrire 

Sans armes ni bagages ou bien déjà sans âge ni vacarme.

Privilège d’un instant de février avec le mimosa qui réclame déjà  à sortir de l’hiver. 

LYSEY Sans armes ni babages Lysey graph.jpg


 

Avare

 

M’alléger
Me dépouiller
Réduire mon bagage à l’essentiel
Abandonnant ma longue traîne de plumes
De plumages
De plumetis et de plumets

Devenir oiseau avare
Ivre du seul vol de ses ailes

 

Michel Leiris


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Le Coin lecture

  

Oubliant
Ce qui n'a pas existé,
Visages sans reflets, os
D’aucune communauté,
Écrire vient

 
Obscurément
D'une perte qui transforme
Le regret en désir.

*

Qu'est-ce qui est écrit, donné
Pour être aimé,
Sachant l'écrit sans avenir ?
Écrire donne
Et reprend donc
Du même coup ?
Ah réponds même en cendres
Froides. 

Marcel Migozzi

______________________

À suivre... ( voir Anthologie des Poètes de la Coïncidence)

Poèmes de Angèle Paoli, Laurence Verrey,
Leonor Gnos
Gérard BoudesDominique Sorrente



Légère comme une ombre ~ Angèle Paoli

intervalle script sans armes.jpg

 




Légère comme une ombre

la vie se déplace
sur un fil 

un oiseau tire-d’aile
ponctue la ligne 

tes pas te conduisent
où tu erres 

dans l’apaisement
des jours

ta vie dans une conque claire
à la levée du ciel

tu marches à la rencontre
des sources
effluves de printemps
sous la sève
 

qui d’autre à dire
la touffeur du maquis
odeurs d’urine et de bêtes
laines de velours
 

tu as peur de ton ombre
qui glisse
tu regardes le ciel

 

pour quel présage
outremer
le soleil dense
sur la vague

 

là - haut
dans le grand espace
des crêtes
se livre la vie
hors temps
 

les chèvres sont passées
ce matin
houle de billes
vagabondes

 

mettre fin aux négociations
cesser de tergiverser
en finir avec les palabres
mots vides qui s’échangent
sur fond de tambour
arrêter le flot des mots
se délester des combats
de coqs
prendre du champ
dans la limaille

 

seul le grelot d’une chèvre
compte
et ce perce-neige docile
qui s’ébroue
sous des perles d’eau
 

tu passes et encor repasses
toujours sur les mêmes mots
« un courlis d’eau frôle la vague »

 

un oiseau déplace en vol
toute la violence
du jour silence
 

sensible insensible
à ce qui meut
les âmes mortes.

 

Angèle Paoli

 

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