MARTIAL TEBOUL en son chant déraisonnable
« Je veux libérer l’horizon,
le traverser même,
pour savoir
au-delà de sa trace
ce qu’il convient de redécouvrir sans cesse,
ce qu’il convient d’oublier toujours.
L’horizon, j’en fais ma maison.
Le sommet, je ne l’atteins pas.
Les profondeurs, au-delà des mers, conduisent ma raison.
L’horizon,
je le laisse simplement s’implanter
comme un jardin possible au-delà du temps. »
(Le chant déraisonnable, 2012)
Martial Teboul nous a quittés à l'été 2012. Habitant singulier du Scriptorium des premières années, il avait sa manière bien à lui de dicter la parole dans son emportement, avec ses phrasés multipliés, sa quête impétueuse d’une « beauté qui gouverne dans les angles du monde ». Lors des rencontres poétiques auxquelles il participait, il notait avec son encre résolue des successions de mots, à la façon de listes, attendant le moment fortuit pour que « l’hiver étincelle ». Il croyait peu à la possibilité du livre (il nous en laisse un pourtant, ce Chant déraisonnable, paru quelques mois avant sa disparition), convoquant plutôt dans ses versets la laisse des séquences fuyantes, la part d’inaccessible à traquer encore et encore. Il disait : « Il me faut un autre chemin pour retrouver au-delà de moi-même/ dans ma main, cette poussière devenue boue dont je fais des stèles… ». Complètement investi dans son activité de médecin gynécologue, Martial Teboul témoignait dans sa relation à la poésie de cette part brisée, volontiers rageante, parfois hautaine et en même temps chaleureuse, démunie, insatiable et toujours pèlerine qui nous fait étrangers de passage. « Tout dire, ne serait-ce qu’une fois, lâcher les fauves ! » : telle était la vigueur inscrite. Martial Teboul revendiquait cette brûlure de vivre quand « nous agrippe l’indicible ». Il penchait du côté de l’excès comme on tente de faire advenir une joie véhémente sur un ciel décousu, tandis que « lentement glisse l’escalier du temps ».
« Ce matin un soleil fou fouette le jour ». Martial Teboul nous laisse des sonorités de gongs et le goût de faire allégeance aux parfums. « Dans les mondes impulsifs du hasard, le ciel est à sa place » avait-il écrit.
*
« Je me sens appartenir à ce qui est refusé »
Lettre au Scriptorium