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  • UN COVOITURAGE DE MOTS SUR L’ÉPERON D’OPPÈDE, ce 16 avril

     

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     Ainsi a commencé cette journée des Quinze ans du Scriptorium.

     

    Une caravane comme on les aime. 

    Nous étions près de trente sur le parking, au pied des jardins et du vieil oppidum. Sur la ligne de départ, Dominique Sorrente, maître des cérémonies en casaque orangée, Nicole Mignucci à la double casquette de guide de Pierre sèche en Vaucluse et de semeuse en chef de  Trace de Poète, Giacomina aux pieds de panthère, régionale de l'étape et Olivier Bastide, bouilleur de cru, et cadreur du printemps.

    Apprenant au milieu des feuilles naissantes et des floraisons que la Caroline odorante a pour vrai nom la coronille, les poètes ont lâché leurs propos du siècle précédent, « le grand XXème siècle ». Cela a commencé avec les mots d’Andrée Chedid, l'une des pionnières du Printemps des Poètes, qui nous parle de poursuite de l'aventure par la voix de Brigitte ; puis vient Jules Supervielle, enfant de la Haute Mer, pour emboîter le pas. Nous prenons le large par les interventions de Gérard Boudes et d'Isabelle Alentour. Giacomina lit Emmanuel Loi dans Marseille Azur, le temps d’arriver au port, de fournir ses coups de griffes, au son d'une mob des cités.

     

    Mais il nous faut reprendre le cours d'un fleuve décrit par Jeanne Benameur et dit par Isabelle. Toujours marqué par l'eau, Aragon, et son poème des deux mois de Kaanoun, emprunte les cordes vocales d'Henri Tramoy. Le groupe progresse et approche du village. Il est temps de parler de maison. Ce sera la maison de Michelle, avec ses tomettes écrite par Christopher Middleton, et exposée par Thérèse Dufresne. Nous voilà désormais à l´intérieur d'un monde de pierres. C'est l'occasion pour Jean François Jung de nous rappeler la passion minéralogique de Roger Caillois, les dessins et formes libres des agates qui circulent de mains en mains. Cela libère le distillat de notre bouilleur de cru, qui nous apprend le démon de l'analogie de ce même Roger Callois, au détour d'un infime bruissement de feuilles.

     

    Arrivés au centre de l'aire de battage, en terrain découvert et en vue des terrasses principales, Sophie nous lit du Boris Vian, une histoire de Dormeur du Val racontée par lui même, juste au moment où après s'être désaltéré à une source, une abeille de cuivre chaud le foudroie. De l'abeille au crabe, il peut n'y avoir de distance que celle d'une longueur de patte, surtout s'il s'agit d'une terrible bête que l'on porte en soi. Françoise achemine ainsi la parole de Monique Flosy, peintre et auteur présente parmi nous, sur un texte intitulé « Jour et Nuit" : « Sable dans ma bouche, je suis coquillage, je deviendrai fossile". La fulgurance du geste de Fabienne Swiatly donne à dire par Antoine Gallardo qu'il y a nécessité de fictions et haut débit des émotions. C'est là qu'un homme à chapeau rouge, tel un cardinal laïc, mais avec un prénom de pape, puisqu'il s'appelle Benoist (Magnat), évoque trois pensées poétiques d'un Grand Timonier, un peu piraté : " Les lacets du soulier/ S'enroulent autour du pied/Êtes vous déjà partis?" Avant de tomber ainsi ficelés, un Ange Gabriel du Nord, Marie Ginet, nous invite à descendre l'Escaut avec Franck Venaille, là où le fleuve s'élargit avant de rejoindre la mer:" la concorde, qu'à moi même je m'octroie, je marchais pour me suivre..."

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    Mais nous sommes ici en Vaucluse, et le Ventoux domine la vallée, tel " le baouf toujours enneigé ", comme l'a écrit Boris Vian. Et ainsi nous le dit Daniel qui reprend Henri Michaux dans un grand combat où : 

    « Il l’emparouille et l’endosque contre terre ;

    Il le rague et le roupète jusqu’à son drâle ;

    Il le pratèle et le libucque et lui barufle les ouillais ;

    Il le tocarde et le marmine,

    Le manage rape à ri et ripe à ra.

    Enfin il l’écorcobalisse. »

    La cure est radicale. Olivier Bastide, notre bouilleur, nous indique que selon le même Henri Michaux, nous sommes prêts pour la disparition. Rien que ça…

     

    Passé la place, nous entamons l'ascension vers le haut du village. Nous voilà parvenus à La Chapelle Sainte Cécile, assemblés devant sa porte. Roselyne Sibille donne la parole à Octavio Paz, puis à Roberto Juarroz, l’homme des humeurs verticales: "On frappe à la porte, mais les coups résonnent au revers. On ne distingue plus l'endroit de l'envers"

     

    Et ainsi, nous voilà tout mélangés et pourquoi pas écocorbalisés? Leonor Gnos alors, reprend de droite à gauche, pour nous lire les vers du poète syrien, Chaouqui Bagdhadi:" Il est des portes verrouillées, des hommes en sourires creux,...histoires d'amours...survivant aux armes". Cela nous a conduit au sommet et à la Collégiale Notre Dame Dalidon avec le parfait octogone de son clocher de pierres taillées, quasi contemporain de la prise de Grenade en 1492, thème du livre Le fou d'Elsa. L'homme au chapeau rouge, que certains surnomment Croco, intervient alors en énigmes : "Les vieux et les vieilles parlent sans dents, Le diable est à l'écoute Tandis que Dieu enregistre l'émission Une Éternité… » Nous voilà donc arrivés?

     

    Nicole Mignucci nous convie à un nouveau voyage en nous donnant quelques vers en anglais de Jane Hirschfield, qui nous rappelle que « d'écarlate, il n'est point de chapeau ici, mais seulement un oiseau qui chante ». Au moment de conclure cette étape du matin, Olivier ira de son aveu: "Dans l’hypothèse du couchant La terre écartée des embruns... Homme de peu de vie, Prenez la chair, le sang et la conquête." Dominique donne le dernier mot, d'une Chine authentique, rêvée de l’intérieur par Victor Segalen, dans ses Stèles. Conseil de circonstance, conseil aux bons voyageurs : "Repose toi du son dans le silence, Et du silence, reviens au son." Et double le duo avec Marie Ginet d’une biographie en débâcle, lue à deux voix, réclamant en bout de course, parole haletante, « sur le bord de comptoir, un peu de salive égarée »…

     

    Arrivés à cette fin de matinée, que l'on me pardonne ce que j'ai pu oublier, tout comme les écorchures des noms et citations. Le moment, ce jour là, était rare, il n'allait pourtant pas disparaître. Il y eut aussi une après-midi, faite de quinze vues/quinze voix et d’un livre « accordez-on » joué à plusieurs. Une autre histoire dans l’Oppède-le-vieux rayonnant de ce jour.

     

                                                         GÉRARD BOUDES

     

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    Sous la halle, la lecture d'après-midi

     

     

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    André Ughetto, Olivier Bastide, Dominique Sorrente,

    le livre "Accordez on" se raconte...                            

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                                                                Les quinze ans déplacent les meubles

     

    Merci à Yvon Javel pour ces deux compositions imagées aux quinze fenêtres anniversaires