" Le matin comptait ses oiseaux, et jamais il ne se trompait" Supervielle (Montevidéo)
Le désir est une valeur rare, à revisiter dans la période actuelle...
À l’occasion du Printemps des Poètes 2021, et en route vers la Journée Mondiale de la Poésie, prévue le 21 mars par l'Unesco, les poètes du Scriptorium proposent une lecture de poèmes créés sur le thème du Désir. Ces poèmes inédits figurent en version écrite sur le blog de l’association : http://www.scriptorium-marseille.fr
Ils seront proposés en version audio sur la chaîne Youtube du Scriptorium
La rencontre à voix haute se fera le samedi 13 mars à 18h30 au cours de l’ÉPIQUE BISTROT que le Scriptorium propose chaque samedi soir, en visio-conférence, depuis novembre 2020. http://www.scriptorium-marseille.fr/archive/2020/11/15/l-epique-bistrot-est-ne-6277384.html
Les personnes, non-membres de l'association, qui souhaitent participer à l’opération "Les feuillets désirables" sont priées d’adresser une demande par mail à l’association Le Scriptorium: poesiescriptorium13@gmail.com
Le nombre de participants est limité.
"Demain, promis, je prendrai tes désirs pour mes réalités". (Dominique Sorrente)
*
Ont participé à cette anthologie des Feuillets désirables:
COLINE MARESCAUX, DOMINIQUE SORRENTE, MARIE-PHILIPPE JONCHERAY, DANIEL SCHMITT, WAHIBA BAYOUDIA, LAURENCE VERREY, LEONOR GNOS, OLIVIER BASTIDE, MARIE GINET, GÉRARD BOUDES, HÉLÈNE KATSARAS, MARC ROSS, NICOLAS ROUZET, ISABELLE ALENTOUR, MARC-PAUL PONCET, CHARLOTTE HAMER, EMMANUELLE SARROUY, AMALIA CARDOSO ...ainsi que DANIEL VINCENT et COLETTE PAPILLEAU pour les gestes graphiques
DÉSIR par Marie-Philippe JONCHERAY
Un souffle
un feulement
à peine murmuré
a suffi
à raviver ce brasier
qui couve
dans ton ventre
aussitôt dans les flammes
tu cours
te faire mordre
la nuque
femelle
soumise de plus belle
à ton ventre
tu perds le sommeil
tu perds l’appétit
tu perds la raison
tu te vautres sur l’asphalte fatale
à ton espèce
tu t’enfuis
oh pas loin
juste hors de portée
parfois tu reviens
en douce
efflanquée
écorchée
ventre creux
ton regard hier
si onctueux
est hébété
sauvage
et tu lèches tes morsures
adorées
mais bientôt tu seras pleine
et docile
pour une saison
pour un hiver
tu reviendras
au coin du feu
te repaître
te remettre
tu oublieras
un instant
le plaisir du ventre affamé
et tu mettras bas
douleur
et tu les nourriras
ceux de ta race
que d’un coup de griffe tu repousseras
dès que
feulements
peau frissonnante
narine dilatée
ventre en émoi
Marie-Philippe JONCHERAY
*
Depuis le plus lointain soleil, nous cheminons à pas d’enfant perdu. Nous l’oublions par précaution. Mais toujours nous revient, chape brûlante, notre fin. Si nous étions maître du temps, qu'en serait-il de nos désirs, de nos pleurs et de nos folies ?
OLIVIER BASTIDE
et la rêverie commence dans le fin fond de mon ventre
Déshabille-moi
que mes os résonnent et s’entrechoquent dans le
battement de tes poumons
On me donne le feu,
et l’esprit flanche dans le marché des incertitudes
Embrasse- moi
embrasse-moi
que mes organes chantent et dansent dans le
tempo de tes viscères nouées
On me donne le feu
et les fluides s’électrisent dans les ruisseaux rouge de mes soifs inassouvis
Caresse-moi
que mes cellules goûtent et dégustent les pétales de tes appétits
encore inexplorés
On me donne le feu
et la rêverie ne cesse d’offrir ton visage
une saveur qui n’appartient à rien
un goût et une odeur de terre humide
là où les cimes se mêlent à l’extrémité de mes orteils
là où tout
tout
là où tout s’éveille.
Joue de l’accordéon
Frappe le tambour
Orchestre
L’horizon des vivants
Étale les motifs obscurs
Sur les lieux du supplice
Qui fut celui des hommes
Joue de l’accordéon
Frappe le tambour
Joue pour la prochaine danse
Enlace la Vénus Céleste
Et parle doucement
Si tu évoques l’amour
Leonor GNOS
J'habite après un long silence
La maison de Régine Blanc
Où des pierres venues du ciel
Sont foules sorcières et fées
Je sais qu'un jour Petit Poucet
Qu'elle est avec jupon Régine
Sera rejointe en bonbonnière
Car déjà en catimini
Je suis revenu dans l'espace
Où le temps ladre s'abolit
Où s'est-il caché le rôdeur
Dans un geste exprès oublié
En attendant en attendant
Dans ta maison Aurore et Lyre
Où j'habite un très long silence
Où dans l'instant précieux
Je m'occupe petitement
À vieillir ainsi qu'un enfant
En cachette comme un enfant
Daniel SCHMITT
( Lotissement Régine )
Un peu beaucoup de tout de rien
Désir de toi
Désir de nous
Désir de toi dans moi,
Désir de tout
Désir d’espaces épicés
Désir d’espèces très fruitées
Désir de petite robe noire et bien cintrée
Désir taffetas de toi
Désir velours de nous
Odeurs de moi pour toi
Quand tous tes doigts.....et par en dessous
Désir d’en rire
puis d’en mourir
Dire Oui - et puis ouvrir
Désir de tout
Désir fragile
Désir de loup
Désir de fou
Désir de chocolat et de vanille musquée
Fruits mixés et crème fouettée
Désir de vents et de marées
De grands grands vents
et verts
Ouverts et largement
Au loin sur l’horizon où va la mer
Désir volatile
de petits riens dans un grand Tout
Désir de brumes et d’alpaga
Désir de bains et bien moussants
Désir d’ombre et
cette caverne
que nos corps creusent sous la couette
Désir demain mais tout de suite
Désir levant
Désir de ce que j’attends
depuis tant et tant
Désirs noirs sur satin blanc
Indicibles désirs qui éclaboussent
et inavoués
à vif
désir de peau
désir de peu
Désir flagrant
Désir devant
et mors aux dents
Désir mordant
Nuages d’envies perlées de vies
Désir sans fin
et d’infini
Désir vivant
Et nous
dedans
HÉLÈNE KATSARAS
Voir tes cils et les croiser à ton regard
deux petites choses du matin
pour se construire
un désir de maison en brindilles.
Le bout de tes doigts
c’est trop de bord
je préfère tes phalanges
et même ta paume
le plus petit refuge du monde
et le plus grand.
Je regarde tes gestes se promener
tes gestes singuliers
il y a un oiseau dans chacun d’eux
dont je ne connais pas les noms.
Entre ton coude et l’ombre de ton coude
un fil
je le relie
à la forêt et au sous-bois de mon ventre.
AMALIA CARDOSO
Désirs
Nous sommes le rêve de notre propre rêve
Charme du mystère
une sève irrigue la lumière
chair
dans le sillon des nuits
« Tu dis désir et c’est la vie »
Offrande d’un frisson
palpite le sang
Et nous allons tremblants
sur la passerelle du vide
cueillir une aube
Boire un souffle à pleine bouche
la soif sous nos pas
pour le feu d’un songe
l’azur d’un jour
les chimères d’un futur
« Tu dis amour et c’est la vie »
Tendre
la main pour une caresse
un sein pour un baiser
un parfum pour l’ivresse
Brèves lueurs prémisses
sur un visage
un sourire
les corps insolents
vers quelques pas de danse
Pulsations sous la peau
à l’oreille
des impromptus sur l’océan
Éphémères instants
à la surface du temps
pour une goutte de miel
sur la langue
Promesses d’extases
échos d’un rêve
Wahiba Bayoudia
Comme un arbre dans le ciel
Enfant,
je désirais l'instant présent,
la neige dans le jardin,
les métamorphoses du saule,
la complicité de Franck qui devait me voir comme un frère
et plus tard m'épouser.
Une limonade au PMU avec ma tante qui jouait aux courses,
entourée de voix, de trognes inconnues, de tabac qui faisait tousser,
joyeusement dépaysée.
L’adolescence était le temps du désir sensuel infini, répétitif, obsessionnel,
un mantra sexuel qui devait me sauver du fadasse et du vide,
me préserver de l'étrange et vertigineuse conscience d'un monde
injuste, immonde et brutal
dans lequel ma salive et mes larmes n'avaient aucun poids,
un monde où les camps de concentration perduraient, une dégueulasserie
Je ne rêvais ni fringue, ni bagnole, ni bijoux, ni babioles.
Je voulais me séparer, m'enfuir.
Adulte est un temps qui s'allonge,
on a vingt ans, puis trente et quarante,
L'Australie des rêves d'enfance est en feu.
Moi, nullipare revendiquée,
j'aimerais que les enfants de demain
connaissent les baignades en eau douce,
le chant des rousserolles et des courlis cendrés,
que les murs à migrants s'effacent
qu'on n'ait plus besoin d'étiquettes,
ni de cash, ni de clash
que l'humain soit plus clairvoyant,
les couilles moins belliqueuses.
À défaut, je voudrais demeurer poète dans les actes et dans les pensées,
que la liberté que j'éprouve, dont je n'avais jamais rêvée,
s'agrandisse avec le temps
comme un arbre dans le ciel.
Marie Ginet
La Cité céleste…
Nos corps ballotés
sur la nacelle du désir
étaient dans le courant
embarqués
comme des chiffons d’étincelles
Nous avions fait l’amour
juste en nous caressant des yeux
mais en cet instant-là
l’Éternité avait vacillé
Un instant
et les lourdes portes
menacèrent s’entrouvrir
Toute la cohorte des Kéroubims claironnait son triomphe
Nicolas Rouzet
Le désir et l’envie
Le désir…
Le désir d’emporter le printemps avec moi
de faire naître la blanche rosée là où
le baiser promeneur se hâte sur vos lèvres
Celui d’un court poème dérobé à l’étreinte.
Que de jasmin offert à mes amis proches
et de vers murmurés à l’oreille du temps !
L’envie…
L’envie de voler vers les mers du sud
de former ailés avec les oies sauvages
en redonnant haleine tiède aux vents portants
Celle d’entendre aussi la viole de gambe
de Jordi Savall séparée du chagrin
un air prêt à sourire à l’insomnie profonde
Si les deux s’imaginent éclabousser la page
l’envie fait grand écart s’étonne encore de voir
Le désir se tenir sur la pointe des pieds.
Marc Ross - (Printemps des poètes, 2021)
Traces du désir
Ce serait le premier mouvement des yeux
vers la fenêtre vers une salve de pluie
ou un doigt de lumière qui frappe à la vitre
l’odeur du café aux narines
Ce seraient les pieds qui s’impatientent
un vêtement froissé sur le sol le geste de l’enfiler
à neuf et même celui de porter aux lèvres
un verre d’eau ou d’ouvrir la fenêtre
aux impulsions du vent à la neige qui descend
dans sa fourrure d’hermine
Ce serait un poème récité pour le plaisir
enroulé dans les draps
- et qu’importe si la mémoire s’est un peu usée
sur la meule du temps
Ce petit souffle grisant c’est le présent qui s’en vient
– et même si à peine né il doit bientôt
disparaître
ne le laisse pas retomber trop vite
recueille-le tant qu’il palpite comme un sourire
une aile de papillon
Désir enfant de toute promesse
est-il sur le qui-vive la pierre à feu l’étincelle
est-il cette forêt dont le bois craint qu’on le braconne
ou cette morsure de la montagne
qui n’attend que nos pas
À la soif des cimes la cime la plus haute
crie qu’on vienne la boire
il est tant d’eau perdue
au danger du ravin le ravin crie que la chute
n’est pas une offense à la vie
Mais désir désespoir du poids des choses
à la surface du monde si peu d’amour semé
tandis que la lune croît et décroît
comme si de rien n’était
Cependant désir beau sacre du printemps
explosions dans le ventre de la terre
et ta main glissée sous ma robe qui fait
perler l’huître et se dresser la tige
et n’attend que le frottement de nos corps
pour mettre le feu aux braises
Laurence Verrey
8 mars 2021
Elle
La fumée du tabac
Ne nous dérangeait pas,
Ni l’orgueil des motos
Dans l’or du soir, qui passent
A deux pas des terrasses
Des allées Mirabeau.
Un demi, un café,
Et nos yeux éblouis
Comme des nouveaux nés.
Car tous nos mots sont ivres
Et dans l’alcool des livres
Il y a l’amour aussi.
D’ailleurs passera-t-elle
Personne ne le sait
Et peut-être pas elle
Alors aucun message
Dans le ciel d’un portable
N’aurait pu confirmer.
Et nous restions des heures
A rêver en silence,
Seuls devant un café
Il était doux d’attendre.
Quand parfois le bonheur
Avec nous s’attardait.
Puis les temps ont changé
Starbucks a remplacé
Les librairies d’antan
Et la Révolution
Comme un rouge poisson
Dans le ciel a filé
Nous laissant à nous-mêmes
Comme au réveil d’un rêve
C’était il y a dix ans
C’était il y a vingt ans
C’était il y a mille ans
Nous l’avions tant aimée.
MARC-PAUL PONCET
Petit matin tiède
Dans le simple élément de feuillages effleurés, comme une onde fureteuse, la flamme se forme, furtive fontaine et naissance hésitante, lumière sans force à l’humus mouillé, accueillant aux semences endormies.
C’est parfois, une brise légère, un souffle évanoui, à peine levé. Une simple note.
L’appareil ainsi constitué semble s’exprimer au sein d’une complexité sans ordre apparent, chaos n’ayant pour origine que le hasard.
Il est cependant soigneusement calculé et produit un effet. Pourtant, celui-ci n’est pas celui qui était prévu.
La construction réelle n’est pas celle que le plan avait conçue.
D’une beauté, on dirait convulsive, elle vous prend par surprise et Précipite au tapis toute envie de refus.
Vous voilà ainsi terrassé, sans pouvoir espérer de geste rationnel ou de pensée réfléchie.
Vous n’êtes plus qu’un objet attiré par l’aimant de quelque planète aux
Métaux scintillants et aux yeux hypnotiques
Que l’on vient subitement dévoiler comme phares dorés sous les cils alourdis
De charbons promis à la braise du regard enjôleur,
Invitant à la poursuite légère et prometteuse de volupté.
Sous orbite, perdu de tout guide, il n’y a plus que le hasard de l’aventure.
Sans espoir d’arracher ce moment aspiré mais sans parapet, il y a on le sait,
une joie qu’on ne peut qualifier, surtout si elle est interrompue par
une insatisfaction, une déception de l’attente rompue, de la progression explosée
en plein vol.
Et pourtant, quand un tel moment est exhumé des dépôts mémoriels, il y a, à le
revoir, ainsi tiré de son sommeil, alourdi des poussières de l’oubli,
un parfum qui ressort épuré de ses gangues plaintives et fielleuses.
Il ne reste, au moment du souvenir, que les couleurs heureuses du tableau
exposé, chatoyant et merveilleux comme un rêve de petit matin tiède, paisible et
vigoureux.
Gérard Boudes
Et puis c’est quoi ce mot..?
Et puis c’est quoi ce mot, Désir, qui nous précède et dont je ne parviens pas à faire le tour ? Il me fait peur ce mot, il est trop sexuel, tout mon corps se refuse à le prononcer. Et puis de toutes manières, entre désir, séduction, instinct, pulsion, coup de foudre, fièvre amoureuse, amour idéal, fusionnel, grand amour, fascination, manque, dépendance, reconnaissance, peur d’être abandonné, blessures de l’attente, morsure de la jalousie, chantage affectif, amour conditionnel, inconditionnel, désir de possession, délivrance, haine, détachement, paix, routine, habitude… pour moi c’est le grand bazar.
Tout ce que je peux dire, c’est que depuis le CP j’ai sans cesse été amoureuse d’un garçon, puis d’un autre, voire de deux.
Bon. Au moins, avec vous, je sais ce que je ne veux pas.
L’autre progrès, c’est que j’ose vous le dire.
ISABELLE ALENTOUR
POÈME POUR LA TRAVERSÉE DU DÉSIR SANS ESCALE
Tu pars avec moi, mon désir,
toujours un peu en avance.
Et moi, je tente de te rejoindre
et de passer à ta hauteur pour te voir faire.
Tu portes ton bric-à-brac, ton eau-de-vie,
tes maquillages, tes jeux de cartes.
On dirait que tu as faim de tout,
de femmes, de feuillages, d'averses passagères,
d'oiseaux sans nom avec leurs gloires miniatures.
Tu n'as aucune vue sur le monde, mais tu aimes
toutes les brèches, toutes les passes du vent.
Pourtant, je ne comprends pas bien qui tu cherches
au coin des rues.
Tes yeux malmènent mon ventre,
c'est la loi du genre.
Et tu repars déjà, mon désir,
tu repars toujours,
même à bas bruit,
vers un bout d'infini dont tu ignores le secret.
Je vois l'ombre que nous faisons ensemble
et je vois la clarté.
Et tout cela qui me dépasse d'une tête, au moins,
me fait signe que tu n'es jamais loin.
Tu te poses dans un creux.
Et puis, vite, tu sautes à nouveau
parce qu'une nouvelle journée se signale à l'entrée du port.
Dis, mon désir, dans quel état serons-nous à la fin de l'histoire ?
Quand arriverons-nous
ensemble
à la maison de l'heure bleue ?
DOMINIQUE SORRENTE
Au bout du rêve j'ai posé mes valises
Emplies d'au cas où...
Débordantes de temps additionnel
Jusqu'à l'horizon flou
Les chemises en ribambelle se sont fait la malle
Insolent délit de fuite quand le désir chancelle.
Charlotte Hamer
LEURS DÉSIRS FONT DÉSORDRE
Elle le serre dans ses bras
Leurs âmes se touchent parfois
Transcendantes et pures
Leurs corps sensibles
Sur l’état du monde
Vibrent
En cordes sensibles
Ils s’envoient des signes
Leurs désirs font désordre
Comme un leit-motiv
Comme un désir d’éternité
Leurs désirs font désordre
Dans la froidure du monde asphyxié
Leurs désirs font désordre
Et enflamment ce qu’il reste de leurs âmes
Et embrasent ce chemin qu’ils avaient
Décidé d’habiter
Leurs désirs font désordre
Et couvrent de douceur toutes les terres esseulées
Ils se laissent par les étoiles
Éternellement guider
Et se donnent comme toujours
Rendez-vous
Sur la lune juste à côté
Ils iront la nuit
Marcher sur les toits
Et grignoter le ciel
Questionner les étoiles
Cracher la poussière
Vomir leur misère
Transmettre la flamme
Ils iront la nuit
Marcher sur les toits vers
Quelque chose de beau
(dans l’éclairante moitié du sommeil)
Ils iront la nuit
Au centre du monde
Par-dessus les toits
Au-delà des frontières
Dans les marges
Ils iront la nuit
À pas feutrés
En équilibre
Iconoclastes idoles
Ils iront la nuit
Ils nous l’ont dit
Et avec eux / ils nous l’ont promis
Ils nous embarqueront
Dans la VIE
Ils s’aiment dans la douleur du monde
Dans la douleur du monde
Et les larmes de sang
Ils s’aiment éternellement
Ils iront la nuit
Marcher sur les toits
Et dévorer le ciel
Cracher des étoiles
(et enfin inventer / de nouvelles danses interstellaires)
Au milieu des ruines
Leurs désirs font désordre
Et pourtant
Ils iront la nuit marcher
Dans les forêt d’or et
Les fils argentés
Sur les cendres du temps
Dans les clairières abandonnées
Dans les champs dévastés et
Les villes esseulées
Ils iront la nuit
Chanter et danser
Ils iront la nuit
Marcher en poésie
Alors
Ils décident d’être
Des cicatrices à cœurs ouverts
Les cicatrices de toutes les plaies
Du monde à vif
Du monde en larmes
Du monde en flammes
Ils décident d’avancer toujours vers
Quelque chose de beau
Silencio
Ils s’envoient de l’énergie pure
Ils créent comme ils respirent
Et se maintiennent mutuellement
En vie
Énergie créatrice
Pulsion de vie
Fulgurance
« Ils parlent du bonheur, ils croient que le bonheur…
l’amour vous dis-je. »
Leur crie Aragon
Ils le savent à présent
Ils sont des colporteurs d’amour
Définitivement
Vivants
Et même si
Leurs larmes saignent et leurs cœurs s’enflamment
Leurs désirs font désordre
Éternellement
(extrait d’
ils iront la nuit
marcher sur les toits
et grignoter le ciel)
Emmanuelle Sarrouy