LA REVUE DES ARCHERS sort son numéro 36/37
Il fallait juste être patient...mais l'époque nous apprend, de tous les côtés, tant de choses. Oui, juste être patient pour voir enfin surgir le numéro 36/37 de la revue des Archers en papier et en mots. Un numéro double et dense, un de ceux qui tiendront droit dans un rayon de bibliothèque, sans même réclamer l'aide des ouvrages voisins.
La couverture (ainsi que la quatrième) est due au peintre François Guy, hélas récemment, disparu, "passant des couleurs", selon la belle expression de Jean-Pierre Cramoisan qui propose un regard témoignage sur l'œuvre "chaude, languide, vive...". Moulinant de sa verve salutaire, Henri-Frédéric Blanc ouvre le bal des contributions avec ses stances à Moloch dont on retiendra cette prise parmi tant d'autres trouvailles: "On n'entre dans un monde meilleur que par effraction, dit un graffiti. La poésie est cette effraction, la porte craque..." On retrouve H-F Blanc plus loin dans un récit philosophique à la vitalité décapante, "Le monstre de l'étang de Berre".
Et ce numéro est riche en effractions de toute sorte, en textes qui, à même la sidération vécue en 2020, étirent de vrais regards sur notre monde contemporain et ses péripéties. Ainsi en est-il des remarquables Voyages autour de nos chambres d'Olivier Boura, des Cut up Poem d'Emmanuelle Sarrouy plein de rythmes, des Drôles de types d'Yves Artufel, de la subtile et taquine Signora Metafisica d'André Ughetto, des variations d'été sur notes de saxo de Martine Gärtner, de la poignante chronique à l'hôpital, Si près, le vide, d'Isaline Dutru, des poèmes "face tendue vers le ciel" de Nicolas Jaen, des verlainiennes haltes "pour si peu" de Marc-Paul Poncet et encore...Au total, 35 écrivains, 2 photographes, 1 peintre qui donnent de leur encre contre la "dégringolade programmée", pointée par Nicole Esterolle dans ses éditos de la Gazette.
Car oui, ce numéro de la revue des Archers, paru dans un temps si particulier, promis aux livres d'Histoire (s'il en naît encore demain) fera date. Il raconte des scènes de confinement, des pas de côté, des cris, et des défis, et toujours et encore des élans du cœur, des drôleries, de la vie, quoi...
Des voix qui tirent leur révérence, comme celle de Bruno Rombi, à celles qui surgissent, comme avec Marjolaine Heeg, on retrouve la revue des Archers, solidement arrimée au théâtre Toursky à Marseille, et qui garde ses façons de vivre, de protester, d'émouvoir, de surprendre: sans hiérarchie d'auteurs, mêlant les coups de gueule, la gourmandise de mots à découvert, la générosité qui n'oublie pas ceux qui ne peuvent plus parler, la pudeur du cœur "en temps de détresse" et l'exigence multiforme de l'acte littéraire.
Alors oui, "On se donne rendez-vous, mes passagers de la tourmente. Une coupe de champagne à la main. ", comme l'annonce Dominique Sorrente dans un poème du premier jour de la nouvelle époque. 2021, la revue des Archers fêtera ses 20 ans. Une date! En espérant que les Mouches subtilement évoquées par Jacques Ferlay auront changé d'âne.
À lire toutes ces pages ( de préférence, en plusieurs traites ), on pardonnera à la revue des Archers d'avoir accueilli autant d'aveux dans une seule livraison. Ne sont-ils pas le signe d'une indispensable protestation polyphonique qui mérite d'être entendue ? 337 pages...et tant de modulations, d'attentes, d'histoires...tant de façons de redécouvrir ce temps autrement que dans la sphère plate médiatique et la "névrose en vrac"...
Et aussi, et d'abord peut-être, la promesse faite à la déprime ambiante que quelques-uns continueront à écrire, quoi qu'il en coûte, pour défier de leurs mots nus la toxique "Narcose des ondes" ( J.P. Cramoisan).
Pour le plus grand plaisir du lecteur.
Anne Lofoten
REVUE DES ARCHERS:
abonnement n°38 et 39
France: 25 euros Étranger: 30 euros
chèque à l'ordre de: Éditions Titanic Toursky, 16 passage Léo Ferré 13003 Marseille
commande n°36/37: 25 euros