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UN BOUQUET POUR TANIA

 

 

 

 

tania sourseva 1.jpg

 

                                      à Tania Sourseva,

                       co-fondatrice avec Richard Martin

                                        du   théâtre  Toursky à Marseille,

                                  décédée le 16 janvier 2017

 

 

 

Mais la plus belle victoire

sur le temps et la pesanteur -

c'est peut-être de passer

sans laisser de trace,

de passer sans laisser d'ombre...

 

Ainsi : se faufiler à travers

le temps comme l'océan, sans alarmer les eaux…

 

                                                Maria Tsetaïeva

 

 

J’ai rêvé cette nuit que tes cendres

descendaient une Canebière

bondée jusqu’à la bascule du port.

Et qu’un bout de Russie se dispersait ici

dans l’or du jour.

Méditerranée, intime étrangère,

plus introuvable que la veille.

Où la vie se faufile sans alarmer les eaux.

 

Tu viens de loin, Tania, de si loin il me semble,

là-bas, on ne sait jamais de quel côté

de la pièce tu apparaîtras.

Puis tu prends tes repères, humes le monde

qu’il fait

à ce huis clos de passage où tu glisses

comme velours.

Il y a une traîne interminable qui te suit.

 

Dans un songe de Volga, tu auras franchi

les plaines et les collines, les toits, les escaliers,

les combats et les trinqueries,

les nuits qui sont toutes logées dans ton théâtre

mais ne sont pas faites toutes

pour être dites,

car les nuits ici ne se disent plus.

 

Tu avances à la dérobée,

exécrant les déplorations, les jérémiades,

mais on voit bien comment tu serres les dents,

comment tu barres la route

aux imbéciles châtiments comme au

malheur définitif,

comment tu fermes la douleur,

comment tu

t’immobilises.

 

Puis déroulant la pelote délaissée

du temps qui peine à venir pour trouver raison.

 

Tu viens de loin, Tania.

 

On t’a vue, on te verra encore

traversant ton propre théâtre,

à la santé des fantômes

qui n’ont plus l’âge de leurs artères,

pour que le jour et la nuit se confondent,

pour que la voix d’insolence

se mêle à la figure

vénérable.

 

Et que la pierre d’angle ici,

où éclatent les silex et les os,

au passage de l’an neuf,

porte témoignage.

  

On t’a vue, on te verra encore,

tu viens de loin, Tania,

passant sous les tentures épaisses

récapituler le silence.

 

Les hommes n’ont pas le temps,

si ce n’est à la guerre des mots,

mimant les rôles qu’ils tiennent en accéléré,

agitant leurs ardeurs, leurs diatribes,

puis grands enfants, épuisés de tant

de répétitions déclamées,

ils pleurent sur la vie,

il ne faut pas leur en vouloir.

 

Mais toi,

tu viens de loin, Tania,

tu pratiques autrement

comme on se prépare dans le grand hiver

à la loi de l’effacement.

 

Et si l’on ne te voit plus,

pour un moment,

c’est que

tu circules dans les recoins,

emportant contre toi la tenace odeur des choses enfouies

ou la page cornée d’un livre

ou bien le rire d’une canne en bois

frappant la chaise récalcitrante pour qu’elle se mette

enfin à marcher.

 

Tu viens de loin, Tania.

Et ce jour te ressemble

avec ces pas sans ombre

pour nous apprendre à nous faufiler.

 

 

                                    Dominique Sorrente

 

DS Ici le rebord du monde.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

                                      

 

 

 

 

 

 

 

                                      

 

 

 

 

 

 

 

                                      

 

Commentaires

  • Difficile de ne plus te voir traîner ton regard interrogateur et bienveillant dans les dédales de cet antre de la creation théâtrale qu'est le théâtre Toursky. Un théâtre citoyen que tu as pu édifier en compagnie de notre cher ami Richard MArtin. Difficile d'arriver dans ce beau théâtre et de ne pas avoir ce plaisir de déposer sur ta le doux baliser de l'amitié et du respect. Tu traineras toujours dans mon coeur. Adieu Tania.

  • Que dire après ces somptueuses évocations de la Régente du TOURSKY et de nos frasques qu'elle contemplait avec malice et bienveillance.

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