UA-156555446-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • MATIN DE NOËL

    Sapin guirlande - copie.jpg

     

    Juste un soleil gagnant

    dans l’anneau de Saturne,

    à force de poser des guirlandes

    sur le noir du ciel,

     

    juste un matin rieur

    qui passe par la brèche,

    à s’offrir des instants-cadeaux

    en potlatch

    comme de vrais bonjours réciproques,

    chapeau bas.

     

    Juste un matin,

    comme on n’en fait plus,

    un matin

    comme on en réclame encore.

     

    Et nous, jouant à nouveau

    à déverrouiller

    le trou défendu,

    à descendre, lampe frontale, dans la pénombre,

    à fouiller l’espérance

    au fond de la boîte de Pandore,

    nous, jouant à nouveau

      

    à coller au mur les têtes blafardes des sérieux,

    à placer les bougies de feu dans les betteraves,

    à sucer des crottes d’ours à la réglisse,

    à nous redresser de toute notre petite taille,

    à couvrir de notre manteau

    la croix de neige qui a froid,

    à ramasser le paquet délaissé dans le fossé,

    à fixer la pleine lune,

    les yeux écarquillés,

    nous, jouant à nouveau,

     

    passants de toujours,

    le nez retroussé vers le firmament,

     

    nous, sans table à calcul, comptant    

    les pas des jours qui s’allongent, avec 

    le droit de réapprendre

    d’un mot à l’autre

    à prononcer l’alphabet du poème,

     

    nous, jouant dès l’aube

    dans l’ailleurs ici

    à chercher une histoire

    pour ceux qui ne voudraient pas nous croire.

     

    Juste un matin,

    comme on n’en fait plus,

    un matin

    comme on en réclame encore.

     

                                                                Dominique Sorrente

     

    Delatour Charpentier.jpg

     

     

     

     

      

  • Intervalle du Scriptorium du 22 novembre 2014 ou comment faire sourire les mots en atelier avec Henri Tramoy...

    Sourire des mots Bastide amCapture_97967abb-6766-4e75-b719-d72a09358b67.jpg

                                                                                  @photo O.Bastide

     

    Quel beau moment que cet intervalle du samedi 22 novembre au cours duquel, une fois n’est pas coutume, nous avons partagé non seulement des temps de lecture, mais aussi d’écriture.


    Ce matin-là, nous avons fait éclore le « Sourire des mots » en nous prêtant au jeu et au plaisir d’un atelier d’écriture conduit par Henri Tramoy, en suivant le chemin qu’il avait balisé pour nous avec plusieurs propositions successives :

     

    « En premier, entre deux mots choisir le moindre, à moins que l’autre.

    En deuxième, sa calligraphie enluminée ; ce qui lui fait escorte, en fragments.

    Puis se construisent d’autres mots de ses lettres, de ses sonorités : sa matérialité.

    De mon tout, faire effervescence : tu tisses, tu tricotes.

    Voici matière à sa réécriture : en un, le faire sourire ; en deux, lui imposer contrainte.

    Enfin, livré au polissage. Et sa cerise. »

     

    À ce jeu, inédit pour nombre d'entre nous, chacun s’est trouvé engagé dans une expérience singulière, excitante, intrigante, voire quelque peu déstabilisante. Où nous avons pu éprouver in situ ce qui est sans doute au fondement de tout acte d’écriture, la recherche du juste équilibre - parfois de l’ordre d’une lutte, entre production effervescente (où prime le jeu avec la matière du langage plus que la recherche du sens), et structuration du texte.

     

    Chacun à son niveau a pu ainsi éprouver cet état particulier de régression du moi qui est à la source de tout état créatif, jubilatoire pour certain, angoissant pour d’autres, qui nous met au contact de notre petit « chaos intérieur », et permet qu’advienne ce qui est ordinairement censuré. Pour dans un deuxième temps, par l’imposition de contraintes, ou de règles d’écriture qui paradoxalement nourrissent la liberté d’écrire, passer de cet « avant-texte » à la production d’un texte inédit.

     

    Dernière étape, émouvante s’il en faut dans cette expérience collective, la mise en bouche des mots, le partage par le passage à l’oralité. Après avoir collecté les différents écrits et les avoir redistribués de façon aléatoire entre les différents scripteurs, Henry nous a demandé d’en faire lecture à voix haute, avec la consigne de « le faire aimer » aux autres membres du groupe.

     

    Ce fut le cas. Nous avons aimé, nous avons souri, nous avons ri.

     

                                                       Isabelle PELLEGRINI

     

                                             *

     

    Voici quelques unes de ces productions :

     

    ROUGE SENT

    GÉRARD BOUDES

     

     

    Rouge de honte, l’étais je en écoutant cette virago 

     

    Au verbe haut, égrenant ses ragots de ses lèvres tomate ?

     

    Voilà que je rougissait jusqu’au nez.

     

    Irrité comme un coq dressé sur ses ergots,

     

    Grattant le tapis de mes pieds aux chaussettes écarlates,

     

    Observant les couloirs aux tomettes bordeaux,

     

    Tentant d’apercevoir le Raminagrobis invisible,

     

    Espérant de respirer le fumet chauffé sur les braises rougeoyantes,

     

    Ravigoté par la seule odeur, mon impatience montait, je voyais rouge

     

    ***

     

    L’ALLITERATRICE PATENTÉE

    MIREILLE DESTANDEAU

     

    Si par un soir d'hiver à Tulle

    Tu entends hulluler Gudule

    C'est qu'il n'est plus, le temps léger

    Le temps léger des libellules

     

    C'est sûrement la faute à Ursule

    Qui toujours ment,

    Et ment tellement

    Que c'est pour Gudule un tourment

     

    S'en est coincé les mandibules,

    Pauvre Gudule

    Serré crispé tellement il est

    Sur ses noyaux de vérité

     

    Si par une nuit d'hiver, allez!

    Le hullulement de Gudule

    Te rappelle des vérités

    Pas si faciles à digérer

     

    Alors illicico va lever

    L'allitératrice distinguée

    Qui sait trouver des arrangements

    Des agencements inédits

     

    De subtiles atermoiements

    avec la langue la belle lalangue

    Et entourlouper ta pensée

    Par des tournures bien lestées

     

    Du feu tu n'y verras que

    Plus rien ça ne te dira

    Et ta vérité dormira

    A l'hôtel des libellules

     

    De Tulle de Tulle.

     

    ***

     

    LA FIGUE ET LE PRÉ POUR PARTENAIRES

    OLIVIER BASTIDE

     

    Je suis assis sérieusement et pense.

     

    La nappe est bleue !

    Bleue pour ludique pâture, marée endimanchée

    effeuilleuse de dictionnaire.

     

    La nappe est bleue,

    par contrainte et choix ;

    j'en fais mon sens et mon contresens,

    ma vitalité de skieur marmoréen.

     

    Je range le blizzard, les volutes

    et le stupre,

    tout mon méli-mélo.

     

    Silence !

     

    ***

     

    VATI-CINER

    ISABELLE PELLEGRINI

     

    Vaticiner ?

    Présent !

    Que faites-vous Vaticiner ?

    Je m’en vais.

    Comment ça vous vous en allez ? Vous êtes pourtant sensé être ici, parmi nous, bien ancré sur le socle de la réalité et du sens pour nous pour pouvoir nous prédire l’avenir !

    Certes, mais je ne vois plus les choses ainsi. C’est à cause de cette petite faille qui s’est faite jour en moi depuis hier. Une faille infime, jusque là passée inaperçue, et qui s’avère dorénavant incommensurable.

    Vaticiner je n’y comprends rien. Depuis le XVème siècle vous nous parlez comme un oracle, tout le monde est suspendu à vos lèvres pour entendre vos prophéties…

    Je vais continuer à parler, oui, mon ami, je vais continuer à m’exprimer, mais plus comme vous vous y attendez. Car cette petite faille, survenue entre deux de mes lettres, elle m’a fissuré, elle m’a fait vaciller, et finalement m’anime d’un souffle neuf.

    Au début je doutais : « Va-t’y, va-t’y pas… », me demandais sans fin. Et puis la faille m’a répondu : « Si, si, va bene, va, vis et reviens ! »

    Alors je me suis élancé. Porté par la curiosité et ma nouvelle légèreté je me suis envolé, haut, très haut au-dessus du vide. Loin de la lourdeur ancienne et de la gravité je file, je vole, je virevolte.

    Et depuis de là-haut j’invente l’avenir qui donnera sens au passé.

     

    ***

     

    PETIT FRONCEMENT DE LA LANGUE

    HENRI TRAMOY

     

    Où la vie s’ébouriffe

    se retourne la source le cercle la toile

    au loué de l’étoile

     

    La langue a l’âme du violon

    langue joufflue alerte en ses rondeurs

    partage de méandres et mésanges

     

    Rire dedans silencieux

    geste ourlé de la lèvre

    au bord joyeux du trou

    du trou joyeux de la langue

                que le décor déroule

                dont il lâche les cordons

                et la fronce de gorge et d’orge

    épouse sa courbe ses robes et la dérobe

     

    Menue elle menuise elle s’amuse

    et roule et claire elle claironne

    ou tonitrue

    se désaliène sous des mots roux.

     

                                                               ***

     

    ERIANEGANON OU LA VIE COMME ELLE VA  

     

                                                     DOMINIQUE SORRENTE 

     

                                                                           à ma mère entrée dans la neuvième dizaine

                                                                           avec une sagesse renversante

     

    Navrante histoire où j'en reviens toujours, celle de ce garage

    Où son entreposés les

    Nerfs  Ils sont là en train de ronfler

    À côté des nonnes quinquats.

    Génésis en statue

    Érigé à l'entrée.

    Nuit survient alors de la voix d'al-Hallaj, nuit passée

    À proférer la sentence du jour

    Irradiant: "Centenaire à Gênes, millénaire à Tokyo!"

    Réponse sobre et décisive d'Erianeganon: la vie décidément est un

    Éternuement de sauterelle..."