© Photo Daniel Vincent
Le poète vit le plus souvent seul sous l’escalier où il entend parler de lui comme d’un mort. C’est contre cette imagerie que le Scriptorium s’est créé, en lieu d’utopie vivante, avec le désir de réunir quelques poètes, artistes et lecteurs, dans leurs solitudes consenties, et d’aller à plusieurs, en ce début de XXIème siècle, à la rencontre des mots, avec leur énergie insoupçonnée.
Fondé en 1999, le Scriptorium est né en un temps symbolique, passage espéré, déplacement des horizons. L’époque est à la mise en scène de l’intime, à l’ustensilisation du langage, à la compulsive agitation financière ; elle porte aussi la précarité de la survie planétaire, la recherche de nouvelles formes de relations d’échange, l’attente de paroles qui mettent en chemin et tonifient l’ardeur à vivre. Nous pensons que, dans cette époque de bouleversements, la poésie se doit de proposer un désir d’écologie de l’esprit, capable de lier la biodiversité du langage avec un goût approfondi pour le bien commun.
Trois mots désignent cette aventure que nous menons depuis dix ans :
Marseille, la ville foisonnante, dispersée, souvent rebelle, parfois injuste et toujours créative. C’est dans le petit port de pêche du vallon des Auffes, à la marge de la grande cité que notre projet a vu le jour. Comme une promesse d’embarcation. Minuscule, peut-être signifiante. Nous vivons en sémaphore de poésie dans ce port qui annonce la permanence de la rive et la mobilité renouvelée des départs et des arrivées.
L’esprit de coïncidence : il se diffuse entre nous, poètes, artistes, lecteurs, comme l’art de trouver la juste longueur d’onde entre le monde du dedans et le mystère de l’autre. Il est ce mouvement de l’être qui refusant la seule métaphore mécanique du langage consent aux lâchers prises de ce qu’il ignore, mais avec l’accueil lucide et travaillé de l’inconnaissable. La coïncidence se retrouve tant dans l’exercice individuel du poème, propice à la réception de la part secrète, que dans les dispositifs polyphoniques que nous pratiquons, comme celui des Intervalles, du Pictodrame ou de la poésie chorus.
La poésie à ciel ouvert est notre paysage naturel, parce que nous croyons que la poésie parle à chacun et qu’elle doit circuler à travers l’ensemble des formes contemporaines qui vont de la voix haute à l’intimité des inscriptions sur murs, des cartes-poèmes aux traces sur la blogosphère… Ciel à plusieurs dimensions qui donne le vertige autant qu’il nous attire. Nous parions sur une intelligence collective à développer avec les mutations technologiques qui nous obligent à repenser notre métier d’auteur. Le « ciel ouvert » désigne cet esprit d’aventure qui ne va pas sans conjuguer le geste d’écrire avec les risques d’intempéries …ou d’insolation.
Les auteurs que nous accueillons dans cette anthologie naissante et qui s'étirera à son rythme imprévisible durant la saison 2009-2010 portent, chacun à sa manière, cette promesse de vie intense qui nous fascine.
Bienvenu au lecteur de passage qui séjournera, même un instant, dans ce lieu-dit ouvert.
C'est avec lui que nous apprendrons ensemble à déchiffrer ce que nous disent les jours et les nuits.
Notre métier sur ces pages en genèse : copistes de l'inattendu.
Dominique Sorrente
Commentaires
Geneviève Bertrand et Jeanine Anziani, rencontrées au 9è salon du livre de St Victoret m'avaient parlé de ce "Scriptorium"...
Belle initiative en effet...
Que les lieux de poésie partagée se multiplient, pour le plus grand bien de la diversité et de "l'écologie de l'esprit"...
Nous continuons tous à marcher sur la mer...
Et à rêver sous l'escalier.
En entendant parler des vivants qui sont presque morts et prêts à nous enterrer.
J'aimerais bien avoir de vos nouvelles, M.Sorrente....
Et des nouvelles en ce qui concerne le Scriptorium...
La Petite Librairie des Champs poursuit son avancée tremblante vers la poésie.
"Marseille éclats et quartiers" est sorti chez Jacques Brémond et j'en ferai une lecture à Marseille.
A bientôt, camarade marin !
Un ami Marseillais m'a permis de découvrir cette lueur de sémaphore qui a éclairé mon 19 mars merci à lui, merci à vous.
Fanie V animatrice d'ateliers d'écriture (dépt 42) qui taquine une muse réticente.