MARSEILLE D'UNE RUE À L'AUTRE
aux passants de la montée de l'Oratoire
J'habite une montée qui se prend en descente
où la plus belle vue est offerte aux Aveugles,
et c'est tout un enseignement.
La mer m'appelle, et je lui tourne le dos,
aspiré par le grouillement de la ville.
Face au Garlaban, je suis un marin des collines
que les gabians visitent de plus en plus assidument.
J'habite dans une ville
où les boulevards sont esquichés,
où les avenues finissent souvent en impasses,
où dans chaque rue qui se respecte, on n'est
jamais à l'abri de croiser un calamar.
C'est peut-être qu'ici la mer
vers où l'on penche inexorablement
rend toute mesure aléatoire.
Quand j'aurai rejoint les étoiles,
j'espère juste qu'on n'accrochera pas mon nom
à un rond-point des Crottes
ou à un tronçon du Jarret,
qu'on ne m'enverra pas au chemin du Ravin
pour voir si j'y suis.
Une ruelle à Malpassé, un square à Fifi Turin,
un cul-de-sac à Menpenti,
pour le fun, why not ?
Toutes les voies sans issue sont pénétrables,
au moins pour un moment.
Évitez-moi cependant
les parkings trop étouffants.
Claustrophobe avéré, j'ai un faible assumé
pour les escaliers à ciel ouvert.
Je raffole des grand-places quand elles sont minuscules,
je chavire d'aise sur les chemins vicinaux à ornières,
et sur toutes les esplanades,
je rêve oliviers, colombes, grues en origami.
Mais au fond, pour mon séjour terrestre posthume,
habiter la rue du milieu de nulle part
me suffira.
Pourvu qu'elle ouvre sur l'heure bleue,
l'éternel instant, bateau ivre,
en compagnie du mistral boxeur et de la mer
à ses gestes de vagues.
Grâce aux mots qui me furent donnés,
j'ai un peu adoubé à ma manière
la fantaisie des noms, le mystère
de la vie traversante.
Et ma joie est de te prévenir
que ça continuera, dans cette rue ou dans la tienne,
bien après moi.
DOMINIQUE SORRENTE
dominiquesorrente@gmail.com
www.scriptorium-marseille.fr