La notice qui suit, pourrait être un curriculum-vitae sec, avec des tas de choses et des traces de papier, qui ne me semblent pas avoir un grand rapport avec votre esprit éditorial.
J’exerce un métier intellectuel certes, c’est moins exotique, que garagiste, marin ou coureur à pied. Il n’est toutefois pas nécessaire de vous assommer, avec tous ces détails.
Je vous remercie donc, de bien vouloir accepter ces quelques lignes.
Bien à vous.
Gérard BOUDES
ou
Edouard BERGS, c’est selon
Né à Marseille, à la Toussaint de 1951, après quelques études et des voyages, un peu partout en France et en Afrique, il a travaillé dans plusieurs entreprises et exerce depuis vingt ans, la profession d’expert immobilier.
Ce métier s’effectue assez souvent, à titre de mesure d’instruction, pour le compte des tribunaux. A force de rédiger, le virus de l’écriture de fiction s’est insidieusement installé en lui. Un vieux démon de jeunesse est venu le reprendre, comme un serpent rattrape sa queue.
Avec ses relents d’une formation méditerranéenne, il cultive l’observation de sa ville et de ses environs. Aux confins d’un monde en perpétuel mouvement, un homme a contemplé son nom devant un miroir. En retournant ainsi ces lettres, il a compris qu’il était devenu Edouard Bergs.
Après avoir publié quelques textes courts dans la presse locale ou dans le groupe de poésie « Le Scriptorium », il s’est jeté à l’eau de récits un peu plus longs, des voyages au sein de la cité des voyages.
dessin Jean-Charles Assali
QUELQUES TEXTES
Je suis un chat marin
J’habite une barque amarrée au Vieux-Port.
Je suis un chat inquiet : mon bateau boit.
Il est trop accueillant pour les eaux et marées,
Et le sel le grignote.
Parfois, sans vent ni vagues ballottantes,
Il se penche sans raison.
Parfois, il navigue en zig, en zag…
Mon bateau boit et le fond de sa cale me mouille les pattes,
De petites vagues me chatouillent le ventre.
Pour aller au Frioul, il s’en va par Gaby.
Pour aller à l’Estaque, il mouille à Morgiret
Mon bateau boit.
Ses vieilles bordées font corps avec la mer.
S’il croit ainsi attirer les girelles,
C’est plutôt le contraire.
Je suis un chat marin, qui sera un nageur.
Car mon bateau, à boire sans soif,
Dans un moment d’ivresse
Rejoindra un beau jour, les poissons les coraux.
Les oursins et les poulpes viendront l’habiter.
Je serai chat nageur,
Ma maison sous les eaux, sera loin de mon port.
Et je miaule ce soir, ce qui dans la langue des chats, veut dire pleurer.
***
Adam
De ses mains humectées dans le rouge de l’argile
Les formes jaillissent.
A chaque tour, un organe est venu
A la fin, tout entier, il était façonné.
De ses mains, tout de rouge imprégnées
Il a déposé cet être sur un lit de feuilles
D’une caresse boueuse, il lui a donné vie.
C’est ainsi qu’il a bougé et crié
Et écrit de ses bras agités
Quelques lettres perdues dans les airs.
C’est ainsi, qu’il a rendu la terre étalée
Sur ses mains, d’une onde qui jaillit
Et formé de ses paumes une auge remplie
Pour donner au créé, le boire béni.
Sur le lit végétal, il a tourné l’être nu
Vers le feu du soleil.
Accompli de ses mains, il croyait réussie
Une œuvre de perfection.
***
Au commencement était le con
Au commencement il y a eu, il faut bien le dire
un con,
qui a bouffé ce qu’il ne fallait pas.
Depuis, nous sommes sur terre.
Mais après Adam, il y eut Albert, sa tignasse, sa relativité et autres choses encore.
Et Albert a dit : si les abeilles disparaissent, les hommes n’auront plus que
Quatre ou cinq ans à vivre.
Que dire, si nous remplaçons abeille, par con.
Si les cons disparaissent,
Çà pourrait aller mal pour l’homme.
Tout serait si parfait,
Que l’on pourrait se croire revenu au Jardin d’Eden,
Quand tout a commencé.
Mais là, y aurait-il du rire ?
Le propre de l’homme aurait disparu !
Tout serait donc à refaire.
***
Le géant sacrifié
J’étais bien au jardin avec mon Eve.
Puis il y a eu cette affaire de la pomme.
Il faisait froid dans ce nouveau pays
Et nous avons découvert la peur.
Peur des animaux, peur des vents des tempêtes
Et peur de l’éclair et du tonnerre.
J’étais loin sur cette terre. Eve vivait cachée
Et je courrais la montagne en quête de pitance.
L’orage un soir éclata, comme parfois en été.
Devant moi, la foudre emporta un arbre.
Il flambait et mourrait dans un grand manteau
De flammes oranges et crépitait, faute de gémir.
J’étais figé sur mes deux pieds, mais j’avais chaud.
Malgré la nuit, je sentais les prédateurs éloignés.
Une main se posa sur mon épaule et l’enveloppa.
Je découvris derrière moi un géant aux longs bras.
Son regard me rassura et m’invita à observer.
Saisissant un bâton, il préleva une flamme.
Le feu était outil dans sa main.
Il me le tendit et m’apprit ainsi.
Je savais à présent maîtriser cette flamme.
Je pouvais me chauffer, m’éclairer et tenir
A distance les fauves affamés de ma chair.
Le géant disparu, je ne sus que plus tard
Qu’on l’avait sacrifié
A la falaise crucifié,
Il offrait ses entrailles
aux rapaces
***
INFERNO ROCK
Quel est donc ce rocher qui obstrue l’escalier ?
Sur ces marches, pour laisser mon passage j’ai pu voir
Agrippé au caillou encombrant, l'ouvrier
Qui poussait en suant cette pierre du devoir.
Dans ces lieux de touffeur, ce désert écrasé,
On m’a dit qu’un nommé Abraham, sur son fils
S’apprêtait à plonger un poignard inconscient.
Il fallait que ma main arrêta le serpent
Infectant les esprits de ce père assassin
Dépassant le pousseur de caillou à sa prise,
Je devins comme l’œil dans la tombe de Caïn,
Dans ces pierres à nulle eau jaillissant pour jamais,
Suis-je l’ange sauveur d’Isaac appelé ?
Mais là haut, l’ouvrier a lâché son rocher.