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  • HOMMAGE À L'INCONNU-E POÈTE

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                                    en sympathie

    avec la ville de Trois-Rivières

     

         

    Vous ne pouvez dire mon nom.

    C’est le moins qui puisse être.

    Homme et femme je suis,

    pour le reste des jours.

     

    Je vis de creux et de surfaces.

    Ce qui s’ajoute à mon bout du monde

    passe par une entaille de pierre.

     

    Inclinez-vous, devant il n’y a rien à voir.

    Parterre, peut-être, un insecte

    qui sait renommer l’univers.

     

    J’ai fini de compter les passants qui ont

    franchi le seuil sans s’arrêter. Seuls quelques-uns

    sont en mémoire, debout ici, dans mon silence archéologue.

     

    Demain, demain… évitez-moi ce trop de précipitation.

    La rafale s’en vient. Le monde brûle.

    Le livre part en lent retour vers son destin de sève.

     

    Mes fleurs à partager, mes carnets de déroutes et de chances reçues,

    mon rythme de piéton céleste, libre de cœur, j’aime

    celle ou celui qui crie récompense pour que le temps d’amour

    à nouveau se libère.

     

    Je vous ressemble. Je sais bien

    que ma voix est faite d’empreintes, d’oublis, de cercles d’éphémère,

    de sillages d’éternité,

    de justesse et de non mesurable.

     

    C’est pour qui ne me connaît pas que je donne

    mes adresses au vent. J’écris ici et j’écris là.

     

    À peine me verra-t-on peut-être à ma rare durée

    dans le brouillage des journées d’instants,

    et déjà disparu-e ailleurs, comme vous, je serai reparti-e.

     

    Un jour, j’ai débarqué sur cette rive, où mes blessures

    ont reçu la pitié douce du lazaret, les pansements pour ma peau d’étranger.

    J’ai aimé devenir un-e des vôtres,

    lâchant une parole tressée entre les continents,

    d’un bord du monde à l’autre, minuscule et précieuse, démunie

    comme au premier jour de naissance.

     

    Et j’aime depuis ce jour le baiser anonyme du vent et de la mer,

    les temps extraordinaires qu’on unit au geste banal,

    les lèvres sacrées qui trouveront des mots à même le sable.

     

    Je suis de ce pays à sculpter l’éphémère.

     

    Je vous ressemble, à chaque regard porté, dans la ferveur

    des mots incendiaires.

     

    Je passe en destin d’écriture. Je me relie à vous, quand même

    vous ne le savez pas.

    J’ai mon habitation dans le pli de vos cœurs troublés.

     

    Je n’appartiens à aucun siècle, ou à tous, sans doute,

    pour poursuivre ma tâche

    d’œuvrer à même vos gestes secrets en parole commune.

    Je suis l'inconnu-e poète

    qui sait que ses théories de fusain lui survivront

    et qui vous parle.

     

    Je vis de l’oubli nécessaire et de la mémoire revenante,

    et je vous parle,

     

    bien après que la vague aura disparu,

    je vous parle, mes amis,

    pour ce soir, corps et biens,

    où nos mots se sont perdus, se sont unis,

     

     

    je vous parle, habitants d’un amour toujours en chemin,

    dans ce temps du futur antérieur

    où remue entre ciel et terre

    la part heureuse

    qui nous fait signe,

     

    notre vie constellée.

     

                                                          Dominique Sorrente

     

                                                          Plage des Catalans, Marseille (France)

     

     

    Ce poème a été écrit en sympathie avec la ville de Trois-Rivières, au Québec,  capitale de la poésie, qui célèbre chaque année, le 14 février, les poètes du monde.

     

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