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Le sens de l'humeur - Page 2

  • TANDIS QUE LA FRANCE FERME BOUTIQUE, LA POÉSIE OUVRE LES VANNES...

     

    Tandis que la France "ferme boutique", le Bateau ivre s'obstine à accueillir de joyeux cris d'enfants... Vous trouverez dans Le journal LA PROVENCE de  ce dimanche 15 mars un article de ma main  "Poésie: courage, ne fuyons pas!"...C'était avant la pandémie, et je persiste et signe...D'une manière ou d'une autre, nous ferons nôtre la parole de Hölderlin (Patmos, 1807):   

    Mais là où est le danger, croît
    Aussi ce qui sauve

     

                     Wo aber Gefahr ist, wächst
                     Das Rettende auch

     

    Rendez-vous au Bateau Ivre, plage du Prado Marseille, le dimanche 22 mars, à 16 heures (sauf contre-ordre officiel).

      

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  • CE QUI A ÉTÉ ...BRUMAIRE AVEC V.JANKÉLÉVITCH

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    En cette fin octobre et entrée dans Brumaire, je vous propose ce très beau texte de Vladimir Jankélévitch (tiré de La mort*, 1966- réédité en 2017 chez Flammarion ). Entre citrouilles allumées, chrysanthèmes souvenirs, et présences vives, une matière à méditer sur ce sujet tabou...D.S. 

     

    Du moment que quelqu’un est né, a vécu, il en restera toujours quelque chose, même si on ne peut pas dire quoi. Nous ne nous pouvons plus faire désormais comme si ce quelqu’un était inexistant en général ou n’avait jamais été.

    Jusqu’aux siècles des siècles, il faudra tenir compte de ce mystérieux avoir été. Le déjà plus n’est plus rien en effet, mais on ne dirait pas il n’est plus s’il n’avait jamais été. Métaphysique est la différence entre « il n’est plus » et « il n’est pas ». Le plus rien est distinct à jamais du néant pur et simple. Il est sauvé de l’inexistence éternelle, sauvé pour l’éternité. Cet avoir été est comme le fantôme d’une petite fille inconnue suppliciée et anéantie à Auschwitz. Un monde où le bref passage de cet enfant sur la terre a eu lieu diffère désormais irréductiblement et pour toujours d’un monde où il n’aurait pas eu lieu. Ce qui a été ne peut pas ne pas avoir été.

     

                                             Extrait de La Mort

                                        de Vladimir Jankélévitch

     

                                                                 

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    *cité notamment par Marion Muller Colard dans l'Autre Dieu, Labor et Fides, 2014

     

     

     

     

  • UN BOUQUET POUR TANIA

     

     

     

     

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                                          à Tania Sourseva,

                           co-fondatrice avec Richard Martin

                                            du   théâtre  Toursky à Marseille,

                                      décédée le 16 janvier 2017

     

     

     

    Mais la plus belle victoire

    sur le temps et la pesanteur -

    c'est peut-être de passer

    sans laisser de trace,

    de passer sans laisser d'ombre...

     

    Ainsi : se faufiler à travers

    le temps comme l'océan, sans alarmer les eaux…

     

                                                    Maria Tsetaïeva

     

     

    J’ai rêvé cette nuit que tes cendres

    descendaient une Canebière

    bondée jusqu’à la bascule du port.

    Et qu’un bout de Russie se dispersait ici

    dans l’or du jour.

    Méditerranée, intime étrangère,

    plus introuvable que la veille.

    Où la vie se faufile sans alarmer les eaux.

     

    Tu viens de loin, Tania, de si loin il me semble,

    là-bas, on ne sait jamais de quel côté

    de la pièce tu apparaîtras.

    Puis tu prends tes repères, humes le monde

    qu’il fait

    à ce huis clos de passage où tu glisses

    comme velours.

    Il y a une traîne interminable qui te suit.

     

    Dans un songe de Volga, tu auras franchi

    les plaines et les collines, les toits, les escaliers,

    les combats et les trinqueries,

    les nuits qui sont toutes logées dans ton théâtre

    mais ne sont pas faites toutes

    pour être dites,

    car les nuits ici ne se disent plus.

     

    Tu avances à la dérobée,

    exécrant les déplorations, les jérémiades,

    mais on voit bien comment tu serres les dents,

    comment tu barres la route

    aux imbéciles châtiments comme au

    malheur définitif,

    comment tu fermes la douleur,

    comment tu

    t’immobilises.

     

    Puis déroulant la pelote délaissée

    du temps qui peine à venir pour trouver raison.

     

    Tu viens de loin, Tania.

     

    On t’a vue, on te verra encore

    traversant ton propre théâtre,

    à la santé des fantômes

    qui n’ont plus l’âge de leurs artères,

    pour que le jour et la nuit se confondent,

    pour que la voix d’insolence

    se mêle à la figure

    vénérable.

     

    Et que la pierre d’angle ici,

    où éclatent les silex et les os,

    au passage de l’an neuf,

    porte témoignage.

      

    On t’a vue, on te verra encore,

    tu viens de loin, Tania,

    passant sous les tentures épaisses

    récapituler le silence.

     

    Les hommes n’ont pas le temps,

    si ce n’est à la guerre des mots,

    mimant les rôles qu’ils tiennent en accéléré,

    agitant leurs ardeurs, leurs diatribes,

    puis grands enfants, épuisés de tant

    de répétitions déclamées,

    ils pleurent sur la vie,

    il ne faut pas leur en vouloir.

     

    Mais toi,

    tu viens de loin, Tania,

    tu pratiques autrement

    comme on se prépare dans le grand hiver

    à la loi de l’effacement.

     

    Et si l’on ne te voit plus,

    pour un moment,

    c’est que

    tu circules dans les recoins,

    emportant contre toi la tenace odeur des choses enfouies

    ou la page cornée d’un livre

    ou bien le rire d’une canne en bois

    frappant la chaise récalcitrante pour qu’elle se mette

    enfin à marcher.

     

    Tu viens de loin, Tania.

    Et ce jour te ressemble

    avec ces pas sans ombre

    pour nous apprendre à nous faufiler.

     

     

                                        Dominique Sorrente

     

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